BERECHIT 5781

Besimana Tava

« D. les bénit en disant croissez et, remplissez les mers ...»

(BERECHIT 1,22)


Nous venons de terminer les fêtes du mois de Tichri. Le quotidien revient. En fait, on aimerait bien retrouver un quotidien… normal. Mais les temps sont ce qu’ils sont. L’épidémie sévit et a bouleversé notre monde. Chacun doit penser aux événements que nous vivons. Et chacun doit essayer d’en tirer des leçons ! Le corona aussi doit être une opportunité à saisir. Si la nature nous combat, il y a bien une raison ! Il faut tenter de comprendre ces lois de la nature !

Le verset en entête fait référence au 5è jour de la création. D. a créé les poissons. Puis D. les bénit (verset en entête). “Croissez et multipliez”. Rashi explique que c’est parce que les hommes les mangent que la bénédiction divine était nécessaire. Il fallait compenser. Pourtant, précise Rashi, les animaux terrestres aussi sont consommés. Il eût donc fallu les bénir aussi !

Rashi explique que D. ne pouvait pas bénir les animaux terrestres, car sinon le serpent aussi aurait été béni.

Mais pourquoi D. ne pouvait-il pas simplement bénir tous les animaux terrestres, sauf le serpent ? D. a créé le monde, ne peut-il pas mettre le serpent à part, et bénir tous les animaux qui seront chassés (par les hommes) ?

D. peut tout, mais en ne bénissant pas les animaux terrestres, on veut nous faire comprendre quelque chose d’essentiel.

D. crée les lois de la nature. Et on ne peut pas faire d’exception… c’est cela les lois de la nature. La loi de la nature doit être UNE. Et ainsi, par la nature, je pourrais peut être me rapprocher du UN.

On aurait pu bénir tous les animaux terrestres sauf les serpents, mais on serait passé à côté d’une occasion d’inscrire le UN dans le monde. La beauté des lois de la nature, c’est de pouvoir découvrir le UN sous jacent.

Ainsi, lorsque Newton a découvert les lois de la mécanique traditionnelle, on a pu s’émerveiller car on pouvait prévoir/expliquer les mouvements (dont ceux des astres). Le problème est apparu plus tard (2 siècles?). Les lois de la mécanique ne se vérifient pas lorsque l’on a des grandes vitesses. On a utilisé désormais les formules de la relativité restreinte. On s’aperçoit ainsi que les lois de Newton sont une bonne approximation pour de faibles vitesses. Le beau ici, a été de trouver une loi encore plus UNE. La Nature a des lois. Et plus elles sont générales, plus elles sont belles. Le but du scientifique est de trouver cette loi UNE. Le but de l’homme est de découvrir, entre autres grâce à la nature, le UN qui nous permet d’exister.

La Torah aurait donc pu bénir tous les animaux terrestres, sauf le serpent… mais ce n’était pas possible. Nous serions passés à côté de quelque chose de plus important : avoir une opportunité de découvrir le UN.

De même la Torah va dire “Faisons l’homme à Notre image” (Berechit 1,26). Le risque, comme le souligne Rashi, est terrible. On pourrait croire que la Torah veut nous faire croire qu’il y a plusieurs divinités qui ont créé l’homme (D. préserve). Mais la Torah prend ce risque pour nous faire comprendre quelque chose de plus important. Celui qui a l’autorité doit prendre l’avis des subalternes. D. a “consulté le tribunal céleste” avant de créer l’homme. Le grand ne peut pas imposer. Le modestie concerne tout le monde. Le souci de l’Autre, c’est la condition nécessaire pour que l’homme existe.

La création du monde est donc un arbitrage. On aurait pu bénir tous les animaux sauf les serpents, mais je perds si je le fais. On aurait pu ne pas ouvrir la bouche des hérétiques en n’écrivant pas “Faisons l’homme à Notre image”. Mais je perds si je le fais.

La Torah nous montre que notre monde est un monde de compromis. Ce n’est pas un monde théorique, où le bien est un bien à 100%. Notre monde est un monde où l’on doit arbitrer. Et c’est par ce monde qui ne peut pas être parfait, que je dois tenter de me rapprocher de la perfection, de l’Etre Un.

Chabbat Chalom

Stéphane Haim COHEN