Vayichla’h 5781

« Yaaqov resta seul, un homme combattit avec lui jusqu’à l’aube.»
Berechit (32,25).

Au début de la Paracha Vayichla’h, Yaaqov se prépare à retrouver son frère Esaw. Rappelons la façon dont ils s’étaient séparés dans la paracha Toledot : Esaw voulait tuer son frère Yaaqov suite à l’épisode de la bénédiction d’Isaac.
Yaaqov se prépare triplement à cette rencontre périlleuse :

  • Il se prépare à l’affrontement armé, en séparant sa famille en 2 camps. Si l’un des deux devaient être frappés, l’autre serait sauvé.
  • Il prie D. de l’aider en disant, en autre, « Sauve-moi de la main de mon frère de la main d’Esaw ».
  • Il prépare des cadeaux pour amadouer son frère (il veut négocier !).

Ce commentaire est très largement inspiré d’un écrit publié dans le livre Sig VeSia’h du Rav Yonathan Zacks, zal, ancien grand rabbin d’Angleterre décédé le 7 novembre dernier.


Le verset en entête suit le moment où Yaaqov fait traverser sa famille. Puis il reviendra sur ses pas. C'est là qu'il combattra l'ange.
Le verset parle d’un homme qui a combattu avec Yaaqov. Pourtant le prophète Hoché’a dit que c’est un ange.
Les Maîtres disent que c’est l’ange du mal, le représentant de Esaw. Yaaqov utilise le mot “Elokim” (d ieu) pour qualifier celui avec qui il s’est battu.
Autant dire qu’il y a beaucoup d’interprétations possibles. Mais ce n’est pas gênant, chaque interprétation n’est pas intéressante en tant que fait historique. L’essentiel c’est le message de vérité qui sera la conséquence de l'interprétation.


Rav Yonathan Zacks ose une autre façon de considérer le combat de Yaaqov.
La Torah nous raconte qu’à sa naissance Yaaqov tenait le talon de Esaw. Plus tard, il lui a acheté le droit d’aînesse. Puis il s'accaparera de la bénédiction destinée à Esaw.
Yaaqov est l’enfant qui a voulu être Esaw. Pourquoi ? Parce que Esaw, c’est le grand frère. Esaw est fort. C’est le chasseur. C’est le fils préféré de Yits’haq.


Yaaqov représente donc l’archétype de ce que nous décrit l’anthropologue René Girard : le désir mimétique. Nous voulons ce que l’autre veut, tout simplement parce que nous voulons être l’autre.
Les tensions, la compétition, entre Yaaqov et Esaw viennent de là. Tout le temps que Yaaqov a voulu être Esaw, leur vie a été un enfer . Esaw se sentait floué. Yaaqov vivait dans la peur.
Cette nuit où Yaaqov se trouve face à l’homme pour combattre, Rav Zacks nous dit que c’est face à lui même que Yaaqov a combattu. Il a réussi à anéantir son désir d’être Esaw. Désormais, Yaaqov continuera sa vie en étant lui même. Celui qui veut vivre heureux, entier, doit forcément passer par là : il faut être soi même. Il ne sert à rien de vouloir être quelqu'un d’autre. Celui qui refuse d’être lui même verra sa vie jalonnée de conflits en tout genre.


Dans notre paracha, après le combat avec “l’homme”, les compteurs sont remis à zéro. Yaaqov avait pris la bénédiction sur les biens matériels. Et bien c’est lui maintenant qui va remettre à Esaw d’importants cadeaux.
Selon la bénédiction reçue de Yits’haq, c’est Yaaqov qui devait voir son frère se prosterner devant lui. Maintenant, c’est Yaaqov qui se prosterne devant Esaw.
Le Rav Zacks termine en nous donnant la grande leçon de ce passage : “Connais-toi toi-même". Si nous voulons tenter de nous rapprocher de D. il convient d’abord de faire UN avec soi-même. Et pour faire Un avec soi-même, il faut essayer de se connaître.


P.S.
Après avoir fini de rédiger ce petit texte, à partir d’un livre en hébreu que j’ai devant moi, j’ai trouvé la version originale en anglais sur le site du Rav Zacks zal :
https://rabbisacks.org/vayishlach-5781/

Chabbat Chalom
Stéphane Haim COHEN