Vayigach 5781

« Yossef attela son char, et monta à la rencontre d'Israel son père vers Gochène, il lui apparut, tomba sur son cou, et pleura sur son cou beaucoup»
Berechit (46,29).

La paracha de la semaine nous raconte le dévoilement de Yossef devant ses frères.


C'est dans cette paracha que les masques tombent. Les frères de Yossef étaient persuadés d'être dans le vrai. Ils s'étaient débarrassés de Yossef, et ils étaient sûrs d'avoir raison ! Ils en étaient tellement persuadés qu'ils ne pouvaient pas reconnaître leur frère qui était devant eux. Cela prouve vraiment qu'il est terriblement difficile de prendre du recul et d'analyser son comportement.


Yaaqov qui était inconsolable, qui n’avait pas accepté la mort de son fils, va désormais retrouver la joie de vivre. Le fait de savoir que son fils est en vie va lui ouvrir à nouveau les voies de la prophétie. Même s’il ne verra pas beaucoup son fils, le maître de l’Egypte, juste en dessous de Pharaon, cela suffit au bonheur de Yaaqov que son fils soit en vie.


En effet, Yossef évitera de rencontrer son père. Yossef ne veut pas à avoir à expliquer ce qui s’est passé. La médisance a déjà créé beaucoup de problèmes dans la famille. Tout a commencé parce que Yossef répétait les agissements des frères au père. Maintenant c’en est fini, Yossef, ne répétera pas ce qu’il s’est passé.

Ce matin, avec un ami, nous avons étudié un passage de la guemara Qidouchine 59a.

Rav Guidal s’intéressait à l’achat d’un terrain. Il l’avait analysé à plusieurs reprises. Mais Rabbi Aba est venu et a acheté le terrain. Rav Guidal est allé se plaindre à Rabbi Zéra. Rabbi Zéra est allé présenter le problème à Rabbi Yits’haq Naf’ha.

Rabbi Yits’haq Naf’ha a dit, attend que ce soit le jour de la dracha de la fête et je traiterai le problème.
Quand la fête est arrivée, Rabbi Yits’haq Naf’ha a interpellé Rabbi Aba : que penses tu de celui qui voit un pauvre en train de récupérer des vieux gâteaux (abandonnés, efker selon Rashi), de les faire cuire, et qui vient lui enlever ces gâteaux ?
Rabbi Aba répond : c’est un méchant (racha) !
Alors Rabbi Yits’haq Naf’ha demande pourquoi as-tu fait la même chose avec la terre de Rav Guidal ?
Rabbi Aba répond, je ne savais pas que Rav Guidal voulait acheter cette terre. Rabbi Yits’haq Naf’ha lui dit, tu n’as qu’à lui vendre maintenant ! Rabbi Abba répond qu’il ne veut pas vendre cette terre qui est son premier achat. En revanche, Rabbi Abba accepta de donner cette terre à Rav Guidal.
De son côté Rav Guidal n’accepta pas le cadeau. En effet, “celui qui hait les cadeaux vit !”
Cette terre resta sans propriétaire, on la nomma “la terre des rabbins”!

Nous avons vu dans la paracha que Yossef va éviter de rencontrer son père pour ne pas avoir à lui raconter ce qui s’est passé avec les frères. Il veut éviter la médisance. Mais alors pourquoi, dans notre histoire de la guemara Qidouchine, Rav Guidal va se plaindre à Rabbi Zéra, qui va rapporter le problème à Rabbi Yits’haq Naf’ha ?

Bien évidemment, ce que je dis ici n’a pas force de loi, et c’est à chacun de vérifier avec son Rav.
Lorsque Rav Guidal répète l’histoire à Rabbi Zéra, il ne conçoit pas que quelqu’un de grand comme Rabbi Aba se comporte mal. Il n’ose pas lui dire directement, car il se sent bien inférieur à lui. Il va donc voir le Rav, par amour pour Rav Guidal. Il veut que le Rav fasse comprendre à Rabbi Aba comment on doit se comporter.

En clair, si j’agis pour moi, c’est de la médisance, je dois donc me taire. Yossef en Egypte n’a aucun intérêt à répéter à Yaaqov ce qui s’est passé. Il sait que les frères ont compris leur erreur. Il sait qu’ils ont fait techouva.
 

En revanche, Rav Guidal, veut aider Rabbi Aba à se corriger par amour pour lui. Et le seul moyen c’est d’aller voir le Rav, c’est pour cela qu’il le fait.

Tossefot élargit le problème de Rav Guidal au fait d’aller “prendre le métier” de son prochain. Il expose l’interdit pour un enseignant d’aller proposer ses services à quelqu’un qui emploie déjà un autre enseignant.
Dans notre paracha, on voit que lorsque Yossef présente ses frères à Pharaon, il leur demande de préciser qu’ils sont bergers. Cela présente un double avantage. Ce métier est haï par les égyptiens. Ils seront mis de côté. Ils ne se mélangeront pas aux Egyptiens. Les émigrés arrivent, mais ils ne se mélangeront pas ! Par ailleurs, les émigrés arrivent, mais ils ne prendront pas le métier des Egyptiens. Ils feront “les sales boulots” … ce sont les ancêtres des émigrés que l’on connaît de nos jours, ceux que l’on met dans les banlieues et qui feront le travail que personne ne veut faire.

Chabbat Chalom
Stéphane Haim COHEN