A’hare Mot - Kedochim 5781

"Ne hais point ton frère en ton cœur: fais des remontrances à ton prochain, et tu ne porteras pas la faute à cause de lui. Ne te venge pas, ni ne garde rancune aux enfants de ton peuple, aime ton prochain comme toi-même: je suis l'Éternel."
(VAYIQRA 19,17-18)


Cette semaine nous lisons 2 parachiot, A’haré Mot et Quedochim. La première paracha est essentiellement consacrée au service du Cohen Gadol le jour de Yom Kippour.
La paracha Quedochim, dont est issu le verset en entête, présente beaucoup de lois sociales qui régissent les relations de l’homme envers son prochain.
Cette semaine j’ai voulu lier ces 2 versets aux relations entre l’homme et son épouse. Que le lecteur soit rassuré, Barou’h Hachem, tout va bien avec mon épouse qui est une personne exceptionnelle.

En effet, qui est le prochain que l’on doit aimer comme soi-même ? Qui est le prochain ? Qui est l’autre, différent de moi, que je dois aimer ? Mes parents, mes enfants, ne sont pas autres. C’est plus fort que moi, c’est naturel de les aimer ! L’autre, ce n’est pas naturel de l’aimer comme moi. Et le premier autre, c’est le conjoint, que je dois aimer comme moi-même.

Mais la route est longue, parfois il y a des embûches. Parfois, on tombe, et puis on se relève. Parfois, on croit que tout est fini, que l’on est enfermé dans un cercle vicieux. Mais quand on touche le fond, mis à part dans quelques cas peu nombreux, on peut malgré tout redémarrer.

La recette à appliquer est simple : il faut d’abord chasser la haine de son coeur :
“Ne hais point ton frère en ton cœur”


Toutefois, ce n’est pas simple. Parfois, il est difficile de dire les choses. Alors on garde, on prend sur soi. C’est une erreur. Il faut parler :
“fais des remontrances à ton prochain”


La Torah m’explique que j’ai une obligation de faire des remontrances à mon prochain. Mais attention, c’est uniquement pour Son bien.
Si je vois un problème chez mon conjoint, chez mon prochain, dois-je lui dire ?
Les reproches, à chaud, dans le feu de l’action ont un double défaut. D’abord, à chaud, je ne suis pas objectif. Ce que je vois comme un défaut chez l’autre, n’est pas peut être pas un défaut. Et peut être que c’est un défaut, mais que ce n’est pas celui de l’autre. En effet, souvent, ce sont nos défauts que l’on projette sur l’autre. A la page 70b de la guemara Kidouchine, on apprend le principe. Tout celui qui déclare que l’autre a défaut, c’est lui en fait qui a le défaut. On projette ses propres défauts sur son prochain.

Faire des remontrances à son prochain c’est nécessaire, sinon, je vais accumuler la haine en moi. Mais il faut vraiment réfléchir avant de formuler le reproche. Le reproche que j’exprime c’est pour me faire du bien, ou c’est pour aider mon prochain ?
 

“Ne te venge pas, ni ne garde rancune aux enfants de ton peuple”


Faire un reproche, ce n’est pas assouvir une vengeance. Faire un reproche, ce n’est pas se défouler. Faire une remontrance à son prochain, ce n’est pas pour Me faire du bien. C’est pour Lui faire du bien.

C’est ainsi que je pourrai poser les bases de l’objectif :
“aime ton prochain comme toi-même”


Ce n’est pas facile. En effet, mes parents, c’est naturel de les aimer. Mes enfants aussi. La Torah me demande d’aimer l’Autre comme moi même. Et le premier Autre, c’est son conjoint.
AHaV, c’est la racine du mot aimer. HaV, cela veut dire DONNER en araméen. Aimer, c’est donc synonyme de “Je donnerai”. C’est en donnant à l’Autre que l’on va vraiment comprendre ce que c’est qu’aimer.
Et il faut tout donner à l’Autre, mais pas que des cadeaux. Il faut donner des mots, de la sincérité, de la considération.

Aimer son prochain, c’est un cercle vertueux. Si je m’aime, alors en faisant des efforts, je pourrai aimer l’autre comme moi-même. Et si j’aime l’autre, je pourrai aussi m’aimer.


Mais ce n’est pas tout. Si j’aime vraiment l’Autre, je pourrai faire un avec lui. Je vais ressembler à D.

c’est la raison pour laquelle le verset termine par
“aime ton prochain comme toi-même: je suis l'Éternel”


Aimer son prochain, faire un avec son prochain, c’est la seule façon de se rapprocher du Roi.
Ailleurs, sous d’autres cieux, on pense que c’est par l’isolement, par le célibat, que je me rapproche de D.
Dans le Judaïsme, ce n’est pas cela. Je dois me battre, je dois m’éduquer pour comprendre que c’est uniquement grâce à l’Autre que je pourrai grandir ! Parfois ce n’est pas facile, mais dans la difficulté on grandit encore plus !


Chabbat Chalom

Stéphane Haim COHEN