VAHET'HANAN 5781

«Tu aimeras l'Eternel ton D. de tout coeur, de toute ton âme, et de tous tes moyens» (DEVARIM 6,5)

Cette semaine, nous lirons la Paracha Vaet'hanan, suivie de la Haftara Na'hamou. En référence à la haftara, le Chabbat de cette semaine est d'ailleurs souvent appelé "Chabbat Na'hamou" (consolation), car il suit le 9 AV (destruction des deux temples).

Cette paracha commence avec la prière de Moshé, ou plus exactement ses supplications, ses implorations, pour avoir le droit d’entrer en Terre d’Israel.

Dans cette paracha, la Torah présente un rappel des 10 paroles : la Révélation sur le mont Sinaï.

A la fin de la paracha, on trouve le premier paragraphe du Chema. Le passage symbole du judaïsme que l'on récite soir et matin.

Le verset en entête, le début du Chéma, nous énonce un grand principe du Judaïsme : il faut aimer D. En effet, de la même façon que nous avons le commandement d'aimer notre prochain, nous avons aussi l'obligation d'aimer D.

D'ailleurs Rabbi Akiva, un des maîtres les plus importants du Talmud, nous dit qu'aimer D. de toute son âme signifie, que l'on doit même être prêt à mourir pour D. (dans certaines conditions).

Ce commandement d'aimer D. est difficile à concevoir. En effet, on ne dit pas « j'aime », on dit toujours « j'aime quelqu'un ou quelque chose ».

Après le verbe aimer, il y a un complément d'objet direct. On peut aimer sa femme, on peut aimer un ami, on peut aimer les honneurs, on peut aimer le pouvoir, on peut aimer l'argent, ….  mais au bout du compte, on ne peut aimer que quelqu'un ou quelque chose.

On ne peut donc aimer qu'un sujet ou un objet que l'on imagine, ou que l'on perçoit.

Le problème c'est que l'on ne peut pas percevoir D. On ne peut pas non plus l'imaginer ou se le représenter. Toute représentation de D. n'est pas D., mais c'est une idole.

Alors comment aimer D. ?

La réponse, on la trouve dans le verset suivant : «  Elles seront, ces paroles, que je t'ordonne aujourd'hui, sur ton coeur » Devarim (6,6). C'est l'injonction d'appliquer les commandements divins. Ce sont les mitswots à accomplir.

En clair, aimer D. signifie prendre sur soi d'appliquer les mitswot. Mais alors, pourquoi utiliser le verbe aimer pour signifier ceci ? Tout simplement parce que la Torah a employé le langage des humains. Le verbe aimer qui est un verbe fort, chargé de sens, vient nous souligner l'importance de notre mission : accepter les commandements divins et les appliquer.

C'est pourquoi, si on annule la pratique des commandements de la Torah, on ne peut plus aimer D. C'est antinomique.

Aimer D., c'est donc comme aimer sa femme, ou aimer son mari. Aimer, c’est faire ce que l’autre demande. Lorsque j’applique les commandements de D., j’accepte des Lois dont je ne suis pas l’auteur. Je place la Loi au-dessus de moi. Je ne suis plus en haut de la pyramide. Je suis soumis à la Loi. Si c’est moi qui décide, si c’est moi qui change la Loi, alors ce n’est plus D. que je sers, je deviens mon propre D.

Alors on pourrait se dire qu’on peut simplement aimer D. avec le coeur, sans accomplir les mitswot. Mais c’est comme dire à sa femme qu’on l’aime, et même le répéter des dizaines de fois … mais si on ne bouge pas le petit doigt, quand elle a besoin de son mari… cela s’appelle aimer sa femme ?

Aimer c’est faire. Aimer, c’est agir. Et d’ailleurs, plus je ferai, plus j'aimerai. En agissant, je construis ma nature. En agissant, je vais façonner mon moi. Le souci de l’autre peut devenir ma vraie nature par la répétition des actes. Plus j’agis pour l’autre; plus j’intégrerai en moi que D. ce n’est pas moi, que je ne suis pas seul au monde.

Chabbat Chalom
Stéphane Haim COHEN