BEHAR 5779

 

"Et quand vous vendrez à ton prochain, ou quand tu achètes de la main de ton prochain, ne vous lésez pas l'un l'autre. Selon le nombre d'années après le Yovel tu achèteras de ton prochain, selon le nombre d'années de récolte il te vendra."

 

(VAYIQRA 25, 14-15)


Behar commence par présenter les lois de la Chemita (l'année chabbatique de la terre, on ne doit pas travailler la terre pendant un an), et celles du Yovel (=Jubilé).
Puis, la Torah continue avec de nombreuses lois "sociales".

Le premier verset cité en entête fait référence au dol (onaa). Il est interdit de léser son prochain lors d'un échange. S'il y a un écart de plus de 1/6 entre le prix de la transaction et le prix normal, alors l'échange peut être annulé.

La guemara Baba Metsia 56b explique que onaa, le dol, ne concerne que les biens meubles. En revanche, si on vend un terrain, il n'y a pas de onaa. En effet, le verset parle de biens qui passent « par la main », ce qui' n'est pas le cas des biens immobiliers.
Dire qu'il n'y a pas de onaa sur les biens immobiliers est pourtant délicat. En effet, comme le fait remarquer le Rambam, cité par le Torah Temima, ces versets traitent de transactions immobilières !

D'autre part dire qu'il n'y a pas de onaa sur l'immobilier pourrait nous faire penser que tous les coups sont permis en immobilier. Le prix d'un bien immobilier peut être très élevé, ce n'est pas grave…. Ce serait juste ? N'est-ce pas une façon de sacraliser la propriété immobilière que de dire qu'il n'y a pas de prix objectif ?

En plus la Torah, nous dit le contraire. Le verset qui suit la loi de onaa, nous dit : « selon le nombre d'années de récolte il te vendra. »
Cela signifie que le bien immobilier a un juste prix.
Le prix correspond au produit futur de la terre. Ainsi si Reuven vend sa terre pour 10 lingots d’or, et qu’il reste 10 récoltes jusqu’au Yovel, chaque récolte a pour prix 1 lingot. Lorsque Reuven veut racheter son terrain, il paiera N (nombre d’années restant jusqu’au Yovel) lingots d’or.

Le prix de la terre, est égal à sa production future. En finance, on dirait, que le prix de l'actif est la somme actualisée des flux futurs.

Que penser ? D'une part, la guemara me dit qu'il n'y a pas de onaa sur un terrain, d'autre part, la Torah me dit qu'il y a un concept de juste prix pour la terre ?

Le Torah Temima, nous ramène le Ramban, qui va nous aider à expliquer ce paradoxe.

Il est impossible de dire qu'il n'y a aucune onaa sur la terre. Ce serait déraciner le verset, qui est placé dans un contexte de biens immobiliers. Il explique donc que si quelqu'un est lésé lors d'un échange immobilier, alors la vente ne peut pas être annulée comme pour un bien meuble. En revanche, il faudra dédommager la partie lésée.

C'est rassurant, puisque cela confirme qu'il y a une notion de juste prix pour un bien immobilier : ce que produira la terre.

La propriété n'est donc pas absolue, c'est uniquement un droit d'utilisation. Et même lorsque j'évalue le prix d'une propriété immobilière, je ne considère que les flux de productions qui seront générés.

La Torah nous fait donc comprendre que sur cette terre, nous sommes tous locataires ! La terre n’a aucune valeur intrinsèque c’est uniquement le fruit de la terre qui est commercialisable.

CHABBAT CHALOM

Stéphane Haim COHEN