DEVARIM 5779

" Comment [Ei’ha] porterai-je seul votre charge, votre fardeau, vos disputes "
(DEVARIM 1,12)

Commentaire déjà envoyé en 5777.

Cette semaine, nous lisons la même paracha en Israel, et en 'Houl. Au moins, au moment des pleurs sur la destruction du temple, nous sommes en phase.

Le livre de Devarim, le cinquième et dernier de la Torah, est constitué des recommandations de Moshé aux Bné Israel. En effet, le peuple est sur le point d'entrer en Israel, Moshé est sur le point d'être rappelé par D.
Moshé donne donc des conseils, fait des réprimandes pour toutes les fautes qui ont été commises par le peuple dans le désert. Moshé veut que les Bné Israel tirent des leçons du désert afin de réussir leur vie en Israel.

La Paracha de Devarim est lue avant le jeune du 9 av, qui cette année commencera samedi soir au coucher du soleil, pour se terminer le lendemain à la sortie des étoiles. Le jeune du 9 av (qui est décalé au 10 cette année, parce que le 9 c'est chabbat) a été institué car c'est le jour où le Temple a été détruit.

Le verset en entête est en quelque sorte une allusion au 9 av. En effet, ce n’est pas courant de trouver le mot « Ei’ha » dans la Torah. Et ce mot est aussi le nom en Hébreu du Livre des Lamentations écrit par le prophète Yirmihaou, que l’on lit le 9 av.

Le 9 Av, il est interdit d’étudier la Torah, néanmoins, on peut étudier, sans trop approfondir, la guemara Guitin, de la page 55b à la page 58a. Un proche m'en a d'ailleurs rappelé quelques éléments cette semaine. Que D. le comble de Ses Bienfaits, lui son épouse, et sa fille née le 5 av, cette semaine.

Dans ces pages de Guitin, on narre la description de grands malheurs qui ont frappé le peuple juif, et en particulier, la destruction du Temple, et les catastrophes qui s’ensuivirent.

Lors du siège de Jerusalem, grâce à un subterfuge, Rabbi Yo’hanan Ben Zakay, réussit à sortir de la ville, à la barbe des zélotes (des juifs va-t-en-guerre) qui empêchaient toute personne de sortir.

Ainsi, Rabbi Yo’hanan Ben Zakay put rencontrer le général romain en charge du siège de Jerusalem : Vespasien.

Rabbi Yo’hanan Ben Zakay impressionna Vespasien en lui prédisant, entre autres, qu’il deviendrait empereur. Vespasien, avant son remplacement par Titus, demanda alors à Rabbi Yo’hanan Ben Zakay de formuler des demandes qu’il pourrait exaucer.

Rabbi Yo’hanan Ben Zakay exposa 3 souhaits :
Lui donner la ville de Yavné, (Rabbi Yo’hanan Ben Zakay souhaitait y établir le nouveau centre spirituel d’Israel, après la chute prévisible de Jerusalem)
Epargner la famille de Rabane Gamliel, le Nassi, chef spirituel du peuple Juif, descendant du Roi David.
Obtenir des médecins pour soigner Rabbi Tsadok qui a jeuné pendant 40 ans.

En relisant la guemara, on peut légitimement se demander : quel est le point commun de ces 3 demandes ?

La réponse est claire : Rabbi Yo’hanan Ben Zakay n’attend pas de miracle divin.

Il demande une ville nouvelle, parce qu’il sait très bien que Jerusalem est condamnée. Il n’attend pas une issue surnaturelle.

Il demande d’épargner la vie du Nassi, et des médecins pour Rabbi Tsadoq, à l’empereur romain. Mais, pourtant, ne pourrait-il pas prier pour préserver le Nassi, ou pour guérir Rabbi Tsadoq ?

Non, Rabbi Yo’hanan Ben Zakay sait très bien qu’il ne suffit pas de prier … même quand on s’appelle Rabbi Yo’hanan Ben Zakay ! On peut être un grand d’Israel, mais on doit tout mettre en oeuvre pour agir, selon les lois naturelles.
On ne peut pas compter sur les miracles. Prier c’est bien. Cela permet de me remettre en question. Prier me permet d’évoluer… mais cela ne m’exonère pas d’agir dans le monde réel, dirigé par les lois de la nature.

Et maintenant que le Temple n'est plus, nous devons encore plus agir. On a du mal à mesurer la perte d'une chose que nous n'avons pas connue… c'est pour cela que nos sages nous ont demandé d'observer plusieurs commandements à l'approche du 9 av. Nous adoptons le comportement des endeuillés pour tenter d'appréhender cette perte que représente la destruction du Temple. En effet, spontanément, ce n'est pas facile de ressentir ce manque. Quand nous prions chaque jour (3 fois, dans la amida) en demandant la reconstruction de Jerusalem, pensons nous vraiment à la signification des mots qui sortent de notre bouche ?

La guemara Baba Batra 12b nous dit que depuis la destruction la faculté de prophétiser a été ôtée des prophètes pour être donnée aux fous et aux enfants en bas âge.

Nous comprenons ainsi une partie de notre perte. La guemara utilise un langage caricatural pour nous faire comprendre que nous avons tellement baissé de niveau que nous ne parvenons plus à prophétiser. Par la même occasion, la guemara jette une pierre dans le jardin de toutes les religions qui ont voulu présenter un nouveau prophète … Le Talmud est clair, de par nos fautes, nous nous éloignons de D., et les prophètes ont disparu.

A  nous donc de faire les efforts ! Agissons-donc pour progresser, pour nous changer puis changer le monde, et faire venir le Machia’h, qui nous consolera. Et alors, les jours de deuils se transformeront en jours de joie.


Chabbat Chalom
Stéphane Haim COHEN