VAYIGACH 5780

 

« Yossef dit à ses frères : Je suis Yossef, mon père est-il encore vivant ? Et ses frères ne purent lui répondre car ils étaient bouleversés devant lui.»

Berechit (45,3).

La paracha de la semaine nous raconte le dévoilement de Yossef devant ses frères.

C'est dans cette paracha que les masques tombent. Les frères de Yossef étaient persuadés d'être dans le vrai. Ils s'étaient débarrassés de Yossef, et ils étaient sûrs d'avoir raison ! Ils en étaient tellement persuadés qu'ils ne pouvaient pas reconnaître leur frère qui étaient devant eux. Cela prouve vraiment qu'il est terriblement difficile de prendre du recul et d'analyser son comportement.

Au début de la paracha, avant que n'éclate la vérité, c'est Yehouda qui tente de négocier auprès de Yossef. Il lui dit que rentrer au pays sans Binyamine, serait terrible pour son père. Il évoque « le chagrin qui affligerait mon père [Yaaqov] » Berechit (44, 34).

Le Rav Ovadia, zatsal, dans un livre de compilation de ses cours du samedi soir, mi chiour harachal, rapporte la guemara 'Haguiga 4b.
Rabbi Eleazar ben Azaria dit : malheur à nous au jour du jugement, malheur à nous au jour de la remontrance ! Yossef, le petit frère (à part Benjamin) a fait taire ses grands frères avec quelques mots :  « mon père est il encore vivant ? »

Chacun se donne bonne conscience comme il peut. Chacun prépare « les réponses » à apporter lors du grand oral après 120 ans. Chacun est persuadé d'être dans le droit chemin. En effet, c'est terrible de vivre et de se dire que l'on vit dans l'erreur. Alors, on tente de se convaincre que l'on a raison.

Si quelqu'un m'explique que j'ai tort, je pourrai toujours lui sortir mes arguments qui me donnent conscience.
Mais le problème vient lorsque je me contredis tout seul.
Ainsi, Yehouda dit à Yossef : que va devenir mon père si je ne ramène pas Binyamine ? Yossef répond « mon père est il encore vivant ? ». En clair  Yossef dit : « vous avez pensé à notre père lorsque vous m'avez vendu ? »

Et les frères ne peuvent rien répondre. Ils se sont mis seuls, dans une voie sans issue.

Rav Ovadia rapporte des histoires de tous les jours, où l'on vit la même chose.
C'est l'homme qui se presse pour partir de la synagogue avant la fin de la fin de la prière, mais qui perd son temps et s'arrête sur son chemin pour lire la une des journaux.

C'est l'homme qui refuse de donner aux pauvres, parce qu'il se considère comme pauvre, mais qui va inviter ses collègues à boire un verre, parce que cela fait bien.

C'est l'homme qui dépense des fortunes pour organiser une bar mitswa, mais qui va économiser en achetant les Tefilines les moins chers possibles, et qui ont à peine « cachers ».

La remise en question, n'est pas facile… mais elle est indispensable. LA remise en question c'est le mouvement, c'est ce qui nous fait avancer. Celui qui ne s'interroge pas et ne se remet pas en question ne peut plus avancer. C'est le début de la fin.

CHABBAT CHALOM

Stéphane Haim COHEN