Bo 5780

 
« Ce mois ci sera pour vous la tête des mois, [il sera] le premier pour vous, des mois de l'année »
Chemot (12,1)

La paracha BO nous raconte les trois dernières plaies (les sauterelles, l’obscurité et la mort des premiers nés) ainsi, que la suite logique, la sortie d’Egypte.
C'est aussi dans cette paracha la première fois où les Bné Israel, en tant que peuple, reçoivent des commandements divins (Mitswot).

Et quel est ce 1er commandement que le peuple reçoit ? La sanctification du mois.

Lorsque je veux enseigner un élément essentiel, une valeur, un principe fondamental, j'ai devant moi une alternative.
Si la personne me fait confiance, si la personne me considère comme une autorité, alors je peux montrer l'exemple.
Le jeune M. X voit son père qui vit dans un système de valeurs. M. X admire son père, il pourra ainsi intégrer en lui l'exemple de son père. Et il reproduira le comportement de son père. M. X vivra dans le système de valeurs qu'il a tant admiré chez son père.

Si maintenant, je veux montrer qu'un système de valeur est important à des personnes indépendantes de moi, à des personnes pour lesquelles je ne représente rien, comment faire ? Si je veux montrer que certains comportements sont nuisibles sans pour autant user de mon autorité (naturelle ou artificielle), comment faire ?

Je peux le montrer par le contre-exemple.
Ainsi, même si ce n'est pas la hala'ha, à la guemara chabbat 149b, rav Yehouda dit au nom de Rav que l'on peut prêter à ses jeunes enfants avec intérêt, pour le faire goûter l'amertume du prêt à intérêt.
On éduque de la sorte, par le contre exemple.

Tout le séjour des Bné Israel en Egypte est en fait un contre exemple pour éduquer le peuple.

Combien de lois sociales trouve-t-on dans la Torah qui prennent le contrepied de la situation en Egypte ! Combien de fois trouve-t-on une référence à l'Egypte en exposant des mitswot !

L'Egypte, pour les Bné Israel , c'est synonyme d'esclavage. Qu'est-ce qu'un esclave ? Mis à part les souffrances physiques qui peuvent exister, l'esclave est la personne qui n'est pas libre de disposer de son temps. L'esclave ne possède pas son temps.
D'ailleurs, la personne qui est devenue esclave (même si ce n'est souhaitable) est exempte des mitswot qui dépendent du temps.

Au début de l'humanité, le temps n'était pas important. Avant la faute, Adam et Eve étaient immortels.
Puis le temps est devenue la denrée la plus rare. La vie est limitée. En Egypte, c'est le paroxysme. Les Bné Israel n'ont plus leur temps.
Maintenant le peuple comprend que la liberté, la richesse, c'est le temps !
Le peuple le comprend par un contre-exemple.

Il est donc logique qu'en sortant d'Egypte, le peuple reçoive une première mitswa en rapport avec le temps.

Désormais vous serez maîtres du temps ! En Egypte vous avez vu que la plus grande détresse, c'est d'être privé de son temps, maintenant vous devez comprendre que vous devrez agir pour devenir maîtres du temps.

L'Egypte puis cette première mitswa (sanctification du mois) doivent m'aider à comprendre ce qui est essentiel sur terre.
De même, la Torah me précise l'heure de départ 'Hatsot, le milieu de la nuit. Désormais, les Bné Israel « auront une montre » : ils ont une heure pour quitter l'Egypte.

On peut croire que c'est après la gloire, les honneurs, l'argent, qu'il faut courir. Mais ce ne sont que des artifices. Le défi de l'homme c'est de se confronter au temps, et surtout de bien gérer son rapport au temps. D'ailleurs on peut expliquer l'évolution de l'humanité par sa gestion du facteur temps.

Le passé : il est figé je ne peux pas le changer, je ne peux l'utiliser que pour en tirer des leçons.

Le futur. Certains diront qu'il est écrit, et qu'on ne peut pas le changer. Mais ce n'est pas notre façon de voir. L'homme est libre. Et être libre c'est pouvoir prendre des décisions qui vont pouvoir changer mon futur.
Le problème avec le futur c'est que je si me projette trop, je ne vis plus le présent. Ce sera mieux demain. La cavalerie arrivera pour sauver les gentils cow boy. Le machia'h viendra pour sauver l'humanité. A trop penser au futur, je risque de devenir spectateur.

La Torah veut que je m'intéresse au présent. La Torah ne veut pas que je fuis. La Torah me conseille de choisir une voie qui me permette de vivre (et pas subir) le présent.
Vivre le présent ne signifie pas « carpe diem ». Il ne faut pas croire que c'est l'épicurisme qui me rendra heureux. Mettre au dessus de tout le plaisir de l'instant ne me rendra plus heureux !
Vivre le présent, c'est vivre une vie de Torah au présent. Ainsi, je serai heureux.

Les pirké avot nous disent : Qui est riche ? Celui qui est content de sa part !
Ezeou Achir, ha samea'h be 'helqo !

'Helqo = sa part. Mais 'Heleq, c'est aussi la plus petite unité de temps. Dans une heure, on trouve 1080 parties ('heleq). On peut ainsi lire qui est riche ? Celui qui est heureux dans son présent !

Chabbat Chalom
Stéphane Haim COHEN