Tsaw, Chabbat Hagadol, Pessa’h 5780

 

Dans la vie, il y a les acteurs et les spectateurs. Que choisissez-vous d'être ?

Dans la vie, il y a ceux qui pensent, et ceux qui croient penser, mais en fait d'autres pensent pour eux. Que choisissez-vous d'être ?

Tsav est la seconde paracha du 3è livre de la Torah, le lévitique. Cette paracha, comme la plupart des parachiot du Lévitique, est consacrée au service du Temple.

Mais ce chabbat s’appelle aussi « hagadol » : La semaine prochaine nous vivrons Pessa’h, et le chabbat qui précède, est nommé hagadol.

En effet, mercredi soir, ce sera le début de la fête de Pessa'h. Nous célebrerons la sortie d'Egypte, la fin de l'esclavage. En effet, le 15 nissan, les Bné Israel sont sortis d'Egypte.

Les bné israel ont vécu des évènements exceptionnels pour les aider à devenir libre, pour devenir maître de leur temps (voir limud.net paracha chemot à michpatim 5780).

Rappelons que la Torah n'est pas un livre d'histoire, de géographie, ou de science… c'est le livre du Vrai. C'est la Torah qui va me guider, si le l'utilise à bon escient, pour me rapprocher de la Vérité. C'est la Torah qui pourra me permettre de me rapprocher de D.

La fête de Pessa'h, n'est donc pas une commémoration. C'est une incitation à penser. Si je me débrouille bien, je pourrais en profiter, et me transformer. Mais si je suis spectateur, la fête passera,et moi je passerai à côté.

Le confinement, c'est pareil. Je peux le subir. Mais je peux aussi le sublimer. Si je fais des efforts pour créer une harmonie dans le foyer. Si je fais des efforts pour tenter de réfléchir à ce qui est important dans la vie. Alors le confinement passera, et moi j'aurai grandi.

Même si je suis enfermé, et que je l'impression d'être prisonnier, je me peux libérer. On pourrait croire qu'il n'y a rien de plus terrible que de vivre dans un espace limité. On pourrait croire qu'il n'y a rien de plus terrible que d'être privé d'espace.
Mais, il y a pire, c'est être privé de son temps !

La vraie liberté, c'est être maître de son temps !
Et le confinement est une opportunité pour mieux s'approprier son temps.

Je peux mal jouer, et avaler des séries, des infos… des heures sur le smartphone !

Mais je peux aussi décider de me mettre à penser ! Qu'est-ce que la liberté ? Qui est libre ? Naît-on libre, ou le devient-on ? Etre libre c'est faire tout ce que Je veux ?

Etre libre c'est agir après avoir pensé ! Etre libre c'est pesé toutes mes actions avant de les réaliser !
Penser mes actions, Peser mes actions = considérer que je ne suis pas le centre du monde. J'accepte de ne pas toujours avoir raison.

Pessa'h doit m'aider à me transformer en homme libre, en homme qui pense, en homme qui existe.
C'est ainsi que l'on s'approchera de la venue du Machia'h.
Si je suis spectateur et que je me dis que c'est l'année de la corona, donc forcément le machia'h va venir, alors je suis complètement à côté de la plaque.
La libération finale viendra par nos efforts. La libération finale viendra quand tous les humains commenceront à regarder dans la même direction. Et pour cela, je dois montrer l'exemple.

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Afin de donner du grain à moudre pour nos discussions à la table du Seder, je rappelle quelques idées, déjà présentées les années précédentes :

Lors du Seder, nous lirons la hagada. Une place prépondérante sera  réservée aux enfants, la plupart des rites et coutumes du seder sont des catalyseurs qui vont nous permettre de susciter les questions des enfants.

Au début du Seder, nous lirons le passage des 4 garçons : Le sage, le méchant, le naïf, et celui qui ne sait pas poser de questions.

Dans la Hagada du Maharal de Prague (édition traditionnelle avec le guevourot Hachem), l'on trouve plusieurs questions sur ce passage.

La hagada nous dit que la Torah a parlé des 4 enfants. En effet, on trouve des allusions à ce que l'on doit raconter aux enfants.

Dans Chemot 12, 26 on a : « Et quand vos enfants vous demanderont qu'est-ce que  ce service (à propos de l'agneau pascal) ? »

Dans Chemot 13, 8 on a après un verset qui parle de la matsa: « Et tu raconteras à ton fils ce jour là en disant pour ceci que D. m'a fait en sortant d'Egypte. »

Dans Chemot 13,14 après le passage sur le traitement du 1er né de l'âne, on a : « Quand ton fils te demandera demain qu'est-ce que c'est, tu lui diras, par une main forte, D. nous a fait sortir d'Egypte  de la maison des esclaves ».

Dans Devarim 6,20 on a : « Quand ton fils te questionnera, quels sont ces témoignages, ces décrets, ces lois, que l'Eternel notre D. vous a ordonné ? »

La Torah est donc la source des 4 fils dans la Hagada, mais, quel est le lien entre les versets ci-dessus, et les 4 enfants le sage, le méchant, le naïf, et celui qui ne sait pas poser de questions ?

Comment comprend-on que l'on parle du méchant, du sage ou du naïf ?

Le Maharal (dans la hagada qu'on lui attribue a priori) nous explique que le verset de Chemot 13, 8 « Et tu raconteras à ton fils ce jour là en disant pour ceci que D. m'a fait en sortant d'Egypte. » précise la mitswa de raconter aux enfants la sortie d'Egypte. Il se situe après un verset qui parle de la matsa. Comme le verset ne suit pas une formulation de type « quand ton fils te demandera », nous comprenons donc que nous parlons du fils qui ne sait pas poser de question.
Et la mitswa énoncée pour ce fils est valable pour les autres aussi. Que le fils soit sage, naïf, mécréant, ou ne sache pas poser de question, le père a l'obligation de raconter la sortie d'Egypte. Cette mitswa ne dépend pas du degré de sagesse. Elle concerne tout le monde. C'est d'ailleurs aussi pour cela que la hagada nous raconte l'histoire des rabanim qui étaient à Bné Beraq et qui échangeaient à propos de la sortie d'Egypte.

Le verset qui suit la mitswa concernant le premier né de l'âne, concerne le naïf.
Chemot 13,14 : « Quand ton fils te demandera demain qu'est-ce que c'est, tu lui diras, par une main forte, D. nous a fait sortir d'Egypte  de la maison des esclaves ».
En effet, le Maharal nous explique que l'interrogation de l'enfant concerne aussi la sortie d'Egypte. Bien que l'étonnement de l'enfant suive la mitswa de « petere 'hamor », l'âne que l'on décapite, la réponse apportée est liée à Pessa'h : « tu lui répondras, d'une main puissante, D. nous a fait sortir d'Egypte, de la maison des esclaves ».
Le Maharal explique donc que l'enfant questionne car il a vu un commandement étonnant (Petere 'Hamor). Cela correspond au naïf qui s'interroge quand il remarque des choses qui sortent de l'ordinaire. A Pessa'h tout est mis en place pour susciter cet étonnement.

A l'inverse le sage ne questionne pas parce qu'il s'étonne.
Devarim 6,20 : « Quand ton fils te questionnera, quels sont ces témoignages, ces décrets, ces lois, que l'Eternel notre D. vous a ordonné ? »
Sa question évoque tous les commandements de la Torah. Le sage veut tout comprendre, il n'a pas besoin d'électrochoc pour questionner. Et la Torah montre clairement que cette interrogation est liée à la sortie d'Egypte puisque la réponse apportée par le verset nous éclaire : « Tu diras à ton fils nous avons été esclave en Egypte ... »
Nous comprenons donc que nous traitons toujours de la mitswa de raconter la sortie d'Egypte. Nous comprenons que nous sommes en présence du sage, car il questionne « sans raison ». Il s'intéresse aux commandements de la Torah, il questionne donc.

Dans Chemot 12, 26 on a : « Et quand vos enfants vous demanderont qu'est-ce que  ce service (à propos de l'agneau pascal) ? » Ce verset concerne le mécréant / le méchant. En effet, ce qui dérange le méchant, c'est le service divin « Avoda ». Ce qui dérange le méchant, c'est l'effort.
Il peut clamer qu'il croit en D., que les croyances sont dans son coeur. Mais il ne veut pas agir. Pour lui, on ne peut pas concevoir de service divin. Il est juif dans le coeur, mais pas dans l'action.
Il n'a pas compris que l'on ne peut être juif si l'on reste uniquement dans le monde des idées. Etre un bon juif c'est accepter des commandements qui ne dépendent pas de moi. Le racha se contente de l'esprit, il ne veut pas appliquer les lois. C'est donc lui qui fixe les lois, il est devenu son propre dieu … c'est cela l'idolâtrie.


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Le Rambam, dans les lois sur le Chema’ nous explique qu’il y a une mitswa de se rappeler de la sortie d’Egypte le jour et la nuit, comme il est écrit « Afin que tu te souviennes du jour de la sortie d’Egypte TOUS les jours de ta vie » (Devarim 16,3)

Toutefois, le ‘Hinou’h s’étonne du fait que le Rambam ne compte pas cette mitswa quotidienne dans le Sefer Hamitswot.
Seule, la mitswa de raconter la sortie d’Egypte la nuit du 15 nissan y est comptée.

Rav ‘Hayim Solovetchik de Brisk a répondu à cette question.

La hagada nous rapporte la discussion entre Ben Zoma et ‘Ha’hamim sur le verset « Afin que tu te souviennes du jour de la sortie d’Egypte TOUS les jours de ta vie ». (Guemara Bera’hot 12b)

Pour Ben Zoma, « TOUS les jours de ta vie » = le jour et la nuit, on doit donc se rappeler la sortie d’Egypte chaque jour et chaque nuit.

Pour ‘Hahamim « TOUS les jours de ta vie » = le monde présent et le monde futur (après la venue du Machia’h). Il n’y a donc pas d’obligation se rappeler la sortie d’Egypte chaque nuit aussi.

Or nous savons que la hala’ha est comme Ben Zoma. On déduit donc qu’au monde futur, on n’aura plus la mitswa de se rappeler la sortie d’Egypte chaque jour.
Ce commandement n’est donc pas éternel. Or Rambam ne compte comme mitswa uniquement les commandements éternels qui continueront après le machia’h. Il ne doit donc pas écrire dans le sefer Hamitswot le commandement de se rappeler la sortie d’Egypte chaque jour et chaque nuit.

En fait, l’essence de cette mitswa quotidienne, est d’accepter le joug divin, ce n’est pas une mitswa à part entière. C’est donc inclus dans la mitswa du Chema’. D’ailleurs le verset de la fin du chema’ qui rappelle la sortie d’Egypte commence et termine par « Je suis l’Eternel ton D. ».
L’essence de la mitswa de se souvenir de la sortie d’Egypte est d’accepter la croyance en D., c’est donc logiquement inclus dans la mitswa du Chema’.

En revanche, raconter la sortie d’Egypte, c’est une autre mitswa, c’est faire passer le message aux autres (enfants …), et cette mitswa, on l’applique le 15 nissan, le jour de Pessa’h.

Puissons-nous réussir à appliquer tous les commandements de Pessa’h, et à comprendre la raison de ces commandements pour nous accomplir.
D’après la Hagada « Pirouché Ha’hmé Lita »

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Pessa’h arrive …

Nous allons vivre le 15 nissan…

Bien avant la sortie d’Egypte, ce jour était important. Abel a apporté son sacrifice le 15 nissan. Loth a reçu les anges le 15 nissan … et il était prêt à tout sacrifier…

En clair, ce jour est intrinsèquement un jour de proximité avec le Roi. A nous de bien l’utiliser.

Voici quelques éléments qui nous pousseront peut être à réfléchir lors du seder.

Car la Torah veut que l’homme étudie et grandisse simultanément.

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*** Quelle est la différence entre le sage et l’impie ?***

Tous deux semblent questionner sur le pourquoi des pratiques du seder. Et nos maîtres nous disent, que nous devons nous fatiguer pour trouver l’explication des commandements divins.

Même si les commandements de la Torah sont des décrets du Roi, nous devons tenter de comprendre, selon nos possibilités, les raisons des mitswot (Beth Yossef, sur l’avis du Rambam, Yoré Déa 181).

Le ‘Hida le dit aussi, un homme doit s’efforcer de comprendre les raisons des mitswot (Lev David, chap 14).

Nous devons faire travailler notre cerveau, ainsi nous aurons un aperçu de la grandeur de la Torah, et nous pourrons imaginer, une infime partie de la grandeur de notre Roi.

Mais, il faut faire ceci comme le sage de la Hagada. Il faut faire et ensuite comprendre. Le verset de la Torah qui fait référence au sage dit « Et quand ton fils te demandera demain » Devarim (6,20).
Le sage obéit, respecte les mitswot, et le lendemain, il pose des questions.

Le racha, l’impie, c’est avant qu’il pose les questions. Il dit « qu’est-ce que ce service » Chemot (12,26). Il parle au présent, il assiste au seder, et s’il ne comprend pas, il ne fait pas.

La grandeur du peuple juif, c’est la modestie. On fait, et ensuite on se casse la tête pour étudier et comprendre : « Naassé vénichma ».

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***** Avadim Ayinou (= nous étions des esclaves).*****

Comment est-il possible qu'un peuple fort, comme les Bné Israel, se soit fait asservir ?

En fait, l'esclavage n'a pas été brutal. Au début, Pharaon a simplement demandé au Bné Israel de participer à l'effort national de construction. Et Pharaon lui-même, montrait l'exemple, avec la truelle et le mortier ! Les Egyptiens, eux-mêmes travaillaient, aux côtés des Bné Israel.
Les Bné Israel ne pouvaient donc pas refuser d'aider la nation qui les avait accueillis.

Puis, les Egyptiens ont commencé à commander, de plus en plus durement, les Bné Israel. Jusqu'au point où ces derniers étaient traités comme de vrais esclaves.

La situation des Bné Israel s'est donc détériorée très progressivement, et c'est ce qui nous a empêché de prendre conscience du gouffre dans lequel nous sommes tombés.

C'est pourquoi, la Torah nous demande de manger des herbes amères (Maror) à Pessa'h. Car les égyptiens nous ont rendu la vie amère de façon pernicieuse, comme le Maror !

En effet, la salade (le maror de Pessa'h), ce n'est pas mauvais ! Quand on commence à la mâcher, ce n'est pas amer. Ce n'est que lorsqu'on l'a avalée, que l'on ressent l'amertume.

C'est sur la fin qu'on a le goût amer. Comme pour l'esclavage ! Au début, nous nous sommes piégés tout seuls. Nous n'avons rien vu venir … et nous avons fini esclaves, par notre faute. La Torah nous demande donc de tirer une leçon de cet épisode afin de ne plus se laisser berner.

Et, le plus terrible, c'est que chaque génération, chaque individu, selon son niveau, doit faire face à des choix qui semblent anodins sur le moment, mais qui peuvent s'avérer lourds de conséquences des années plus tard.
Dans notre quotidien, aujourd’hui, nous nous faisons piéger. A Pessa’h, nous devons en avoir conscience, pour sortir du piège.
De la sorte nous retournons à NOS valeurs.

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***** Sortir du piège : compter sur Notre Père*****

La seule solution, pour sortir d’un tel esclavage, c’est de s’appuyer sur notre Créateur. Les Bné Israel, en Egypte ont su le faire.

Conformément aux commandements divins, ils ont pris un agneau, l’ont attaché pendant quatre jours au pied du lit, et l’ont égorgé.
L’agneau était une divinité egyptienne, et ils n’ont pas eu peur d’agir de la sorte.

Nos ancêtres se sont appuyés sur Notre Père. Leur confiance en D. était totale.

A l’instar de nos pères, nous aussi devons sortir d’Egypte. Nous devrons prendre conscience des pièges de notre vie quotidienne (la course, le stress, les faux soucis, les efforts contre-productifs, …), et s’appuyer sur notre D.

Nous devons recharger le 15 Nissan, les batteries du Bita’hon, de la confiance en D.

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***** Attention aux parasites*****
Chaque fois que nous avons la possibilité de nous élever spirituellement, il y a toujours aussi des occasions de tout gâcher.
Ainsi, les raisons de s’énerver sont toujours nombreuses,… Mais, et c’est encore plus vrai le 15 Nissan, ATTENTION AUX PIEGES.
Gardons, notre calme, maîtrisons-nous, et sachons prendre la mesure de la soirée que nous vivrons.

Ainsi, de la même façon que nous avons été libérés d’Egypte, nous serons libérés de tous les jougs que nous subissons, et nous vivrons, grâce à nos efforts et la miséricorde du Roi, la venue du Machia’h.

PESSA’H CACHER VE SAMEA’H

CHABBAT CHALOM

Stéphane Haim COHEN