Yitro 5784 - Le don de la Torah

«D. parla toutes ces paroles en disant [Lemor]”
Chemot (20,1).

Cette semaine nous vivons le but de la sortie d’Egypte, le Don de la Torah.

C'est dans la paracha Yitro que tout le peuple va atteindre le niveau de prophète, à tel point que chacun pourra percevoir le message divin. Nous devenons un peuple, qui doit faire un à l’image de D. Le peuple qui diffusera la parole de D. à l’humanité.
Le verset en entête introduit les 10 paroles (souvent traduit par les 10 commandements).

Le Meche’h ‘Ho’hma sur le verset s’intéresse au mot Lemor = en disant. Traditionnellement, le “lemor” est présent lorsque D. parle à Moshé et qu’Il lui demande de transmettre le message aux Bné Israel. A maintes reprises, on trouve dans la Torah “D. a parlé à Moshé en disant”.

Mais cette fois-ci, D. se révèle au peuple entier. On ne comprend donc pas le Lémor.

Le Meche’h ‘Ho’hma rappelle le principe du Rambam (Yesodé Hatorah Chap 8) sur les fondements de la foi. La foi ne peut pas trouver son origine dans les miracles, sinon elle est bancale. La foi trouve son origine dans le fait que les Bné Israel ont accédé à la prophétie si bien qu’ils ont pu écouter les 10 paroles. Ils ont pu percevoir la gloire divine. Tout un peuple a perçu la révélation simultanément au Mont Sinaï. Et le peuple qui a vécu la révélation a eu pour mission de transmettre à ses enfants, puis les enfants à leurs enfants, jusqu’à aujourd’hui. Ainsi il est écrit “Interroge ton père et il te racontera, tes anciens et ils te diront” (Devarim 32,7).

Le Meche’h ‘Ho’hma explique donc ainsi le Lemor = en disant. Les Bné Israel auront pour mission de transmettre leur expérience au Mont Sinaï, à leurs descendants. Ainsi se transmettra la foi de génération en génération jusqu’à la fin des temps.

Bechala’h 5784

«D. dit à Moshé : voici je vais faire pleuvoir pour vous du pain du ciel, et le peuple sortira, et ils ramasseront, chaque jour sa ration, afin que je l’éprouve, est-ce qu'il marche dans ma loi ou pas.
Chemot (16,4).

Après la sortie d’Egypte, nous vivons cette semaine la traversée de la Mer des Joncs. Pharaon regrette d'avoir laissé sortir les Bné Israel d'Egypte. Il les poursuit donc avec son armée, jusqu'à la Mer des Joncs. La mer s'ouvre, les Bné Israel passent à pieds secs, les égyptiens les suivent et sont engloutis. Ils chantent la Chira « Az yachir Moshé ».
La fin de la paracha présente la manne qui tombe chaque jour de la semaine, sauf le chabbat.
D. envoie donc la manne, ce qui sera fait quotidiennement pendant 40 ans (sauf chabbat bien évidemment).

Rashi tente d’expliquer en quoi la manne est un test, une épreuve. Il explique le sens littéral du texte. La manne, la nourriture céleste, comporte des obligations pour le peuple, et c’est sur cela qu’ils vont être testés. Est-ce que le peuple se contente d’une ration quotidienne ou bien voudra-t-il accumuler ? Est-ce que le peuple va accepter de ne pas sortir pour ramasser le chabbat ?
C’est donc un test sur la foi des Bné Israel, la manne tombe du Ciel, mais seront-ils suffisamment forts pour ne pas tomber dans le piège ? Le Kli Yaqar explique que la manne est le symbole de la recherche des moyens de subsistance. Et celui qui n’est pas entier dans sa confiance en D. peut passer tous les jours de sa vie à tenter d’accumuler. Et le Kli Yakar demande : quand trouvera-t-il le temps de fréquenter la maison de D., s’il passe son temps à courir après la parnassa ?

Le Kli Yaqar propose une autre interprétation de l’épreuve.
Il explique que celui qui veut étudier la Torah et grandir en Torah voit 2 obstacles se dresser devant lui.
Le premier c’est la nourriture… Celui qui ne s’alimente pas sainement va perdre de sa clairvoyance. D’ailleurs la Torah nous dit que Moshé quand il a reçu la Torah n’a pas pas mangé pendant 40 jours. En fait, la nourriture, forcément matérielle, nous éloigne du spirituel.

Le second obstacle c’est que pour étudier la Torah, pour grandir en Torah il faut moins travailler. On ne peut pas tout faire à la fois, si on veut étudier, il faut forcément moins investir de temps pour travailler.

Vaera 5784

«Les devins dirent à Pharaon, c’est le doigt de D. Mais le coeur de Pharaon s'endurcit … »
Chemot (8,15).


La paracha de la semaine, VAERA, expose le début du processus de la libération des Bné Israel d’Egypte.
Ainsi, dans Vaera nous trouvons les sept premières plaies (sur 10) qui ont frappé les Egyptiens, avant la fin de l’esclavage des Bné Israel.
La 3è plaie c’est la vermine (des poux, et/ou des insectes ressemblants) qui frappe les égyptiens et leurs animaux.
Les mages égyptiens essaient de reproduire le phénomène, ils n’y parviennent pas et déclarent : “c’est le doigt de D.”.
Ce matin, j’ai étudié la guemara Bera’hot 28b avec un ami.


On y trouve l’histoire suivante :
Lorsque Rabbi Eliezer est tombé malade (il était au seuil de la mort), ses élèves sont venus le visiter et lui ont demandé : Notre Maître, apprends nous les chemins de la vie pour que nous puissions avoir le mérite de la vie dans le monde futur. Il leur a dit : Faites attention au respect de vos amis, éloignez vos enfants du “Higayon”, faites les fréquenter les sages, et quand vous priez, sachez devant qui vous vous tenez”.

Rashi explique ce que signifie “éloignez vos enfants du Higayon” : ne leur enseignez pas trop la Torah écrite, car cela attirera leur coeur et ils étudieront moins la loi orale.

La nature de l’enfant va peut-être le pousser à la paresse, à étudier des choses agréables, qui ne requièrent pas d’efforts … Mais ce qu’il faut c’est l’entraîner vers la Loi Orale. Au début, ce n’est pas simple, le plaisir d’étudier n’est pas encore au rendez-vous. Mais en faisant des efforts, l’enfant grandira et prendra progressivement du plaisir dans l’étude. Il découvrira ainsi les secrets de la Torah Orale ET de la Torah écrite.

Rashi donne aussi une seconde explication : éloignez vos enfants des conversations futiles.

Le Méiri explique que le Higayon, c’est l’explication littérale de la Torah. Rabbi Eliezer dit : éloignez vos enfants des explications littérales de la Torah écrite. Cela mène à des contre-sens.
Ainsi, dans le verset en entête on parle du doigt de D.
Le Méiri, à l’instar du Rambam, veut nous faire comprendre qu’il est facile de se tromper à lisant la Torah au premier degré. Certains diraient ainsi (D. préserve) que D. a un corps !
NON ! Il faut éduquer les enfants à dépasser le sens premier de la Torah écrite.

Les sorciers de Pharaon ont reconnu “le doigt de D.” parce qu’ils n’ont pas réussi par leurs formules magiques à reproduire le phénomène et à créer la vermine. Mais, il semble que c’était une exception, souvent, par leurs incantations ils parvenaient leurs fins. Ils savaient utiliser la force du langage pour changer la nature.
Au recto de la même page de la guemara Bera’hot (donc 28a), on nous explique un verset de Tsefania (3,18). On traduit ainsi le mot “Nougué” par “Tavra” = crise, malheur.
Et la guemara continue, comme traduit Rav Yossef : “le malheur vient sur les ennemis d’Israel”. En fait, la guemara veut parler d’un malheur qui frapperait Israel, et elle préfère dire les ennemis d’Israel. La guemara nous montre qu’il ne faut pas prononcer des paroles néfastes. Tout se passe comme si, la force du langage est telle que si on utilise l’expression “malheur sur Israel”, cela risque de précipiter un tel évènement.

Aujourd’hui, j’ai peut-être une autre explication sur cette formulation de la guemara.

Chemot 5784

« Moshé dit à D. : "Qui suis-je, pour aller vers Pharaon et pour faire sortir les enfants d'Israël de l'Égypte?" Il répondit: C'est que je serai avec toi et ceci te servira à prouver que c'est Moi qui t'envoie: quand tu auras fait sortir ce peuple de l'Égypte, vous servirez D. sur cette montagne»
Chemot (3,11-12).


Nous commençons cette semaine le livre de Chemot, l’Exode. Les Bné Israel sont en Egypte et sont devenus des esclaves.
La Paracha CHEMOT, est comme son nom l'indique la première du livre de CHEMOT. Littéralement, CHEMOT = "noms", mais la traduction française a pris l'habitude d'appeler le 2è livre de la Torah "l'Exode", en référence au thème principal, la sortie d'Egypte.

Dans cette paracha nous découvrons Moshé notre Maître. L’homme le plus humble. On remarque son humilité dans le verset en entête.
“Qui suis-je, pour aller vers Pharaon”. Rashi explique : en quoi suis-je important pour aller parler avec des rois (Pharaon). Chemot (3,11).
C’est l’humilité de Moshé qui pense ne pas être à la hauteur.

Et Moshé continue : “pour faire sortir les enfants d'Israël de l'Égypte?” Chemot (3,11).
Rashi explique : Et même si je suis important en quoi Israel a mérité qu’il leur soit fait un miracle ….

D. répond dans le verset suivant :
“C'est que Je serai avec toi et ceci te servira à prouver que c'est Moi qui t'envoie: quand tu auras fait sortir ce peuple de l'Égypte, vous servirez D. sur cette montagne” Chemot (3,12)

Rashi explique que D. répond dans l’ordre aux deux questions.
Sur le fait que Moshé ne sent pas à la hauteur de la mission, D. répond “Je serai avec toi”. Rashi explique, ce n’est pas toi mais Moi… tu réussiras dans Ma mission.

Et sur la question des mérites des Bné Israel, D. explique que plus tard ils auront des mérites “quand tu auras fait sortir ce peuple de l'Égypte, vous servirez D. sur cette montagne”.
Rashi explique : dans le futur ils recevront la Torah sur cette montagne.

Mais attention, ce n’est pas un chèque blanc. Quand Moshé va demander à D. sous quel nom il devra le présenter, D. répond : “Je serai ce que Je serai” (Chemot 3,14).

Le Ramban présente plusieurs explications à ce nom de D.
Entre autres, il rapporte le Midrach Agada : Comme tu seras avec Moi, Je serai avec Toi. S’ils ouvrent leurs mains [pour donner aux pauvres], Moi aussi J’ouvrirai Ma main. D. est aux côtés du faible, nous devon donc être aux côtés du faible.

Rashi explique que par “Je serai ce que Je serai”, D. promet qu’Il sera toujours avec le peuple même dans les malheurs ultérieurs. Il est avec nous en Egypte, et Il sera toujours avec nous dans les malheurs futurs.
Moshé ne comprend pas : Comment dans ce moment de malheur (l’Egypte) invoquer des calamités futures ?
D. répond : Tu as bien parlé.

Et le verset dit ensuite : “... Je serai m’a envoyé vers vous. D. dit encore à Moshé : … D. le le D. de vos pères, le D. d’Avraham, le D. d’Yits’haq, le D. de Yaaqov m’a envoyé vers vous … “ (Chemot 3, 14-15).
Peut-être que la Torah veut faire comprendre aux Bné Israel que les Bné Israel sont les enfants des patriarches. Le peuple d’Israel est une famille, les pères sont communs. Et se rappeler Avraham, Yits’haq et Yaaqov doit me permettre de traverser les épreuves.

Même dans les moments les plus sombres, je resterai attaché à la Torah, je me soucierai du faible, je tenterai de mettre en place une société de liberté et d’égalité.

Vaye’hi 5784

« Jacob appela ses fils et il dit: Rassemblez-vous, je veux vous raconter ce qui vous arrivera à la fin des jours. Groupez vous ensemble et écoutez, fils de Yaaqov, écoutez Israel votre père. »
Berechit (49,1-2)

Le début de ce commentaire est une copie d’une partie d’un commentaire envoyé en 5780. Ensuite nous tenterons de répondre à la question posée la semaine dernière.

La paracha de la semaine conclut le livre de Béréchit. Le peuple des enfants d’Israel (Yaaqov) est à présent une entité à part entière, bien que résidant en Egypte.
Yaaqov, le troisième patriarche bénit, dans notre paracha, ses enfants, les 12 tribus, avant de rejoindre le monde de la Vérité.

Le Netivot Chalom rappelle les mots de la guemara Pessa'him 56a. Yaaqov a voulu dévoiler la fin des temps, et son inspiration divine disparut.
Le Netivot Chalom continue en citant le Zohar : il est impossible que la Torah exprime quelque chose qui ne se produit pas.

Si la Torah fait dire à Yaaqov qu'il va annoncer la fin des temps, c'est clair qu'il a exposé son message.

C'est pourquoi le Netivot Chalom insiste sur le mot utilisé par la Torah « Raconter » = « AGuiDa » Rassemblez vous et je vais vous raconter.
Aguida, c'est « je vous dirai », « je vous raconterai ». Le mot est construit sur la racine eGueD = lien.
Yaaqov dit donc Rassemblez vous et soyez unis, …. c'est cela le secret de la fin des temps.

En effet, c'est la division, la haine gratuite qui a mené à l'exil consécutif à la destruction du Temple.
La solution c'est de s'unir.

Le Netivot Chalom explique qu'à la fin des temps grande sera la tentation des divisions. Et si le peuple veut hâter la délivrance, il devra s'unir.
S'unir, ne veut pas dire abandonner ses principes. S'unir ne veut pas dire faire des concessions sur son mode de vie ou de penser.

S'unir c'est être intransigeant avec soi même et tolérant avec l'Autre.

S'unir, c'est accepter que l'Autre puisse être différent mais pas inférieur.

La semaine dernière, dans Vayigach, nous avons dit que la discorde des enfants est une atteinte au respect des parents. Lorsque les enfants se disputent, le père a de la peine. Lorsque le peuple est divisé, c’est D. à qui on porte atteinte.

POURQUOI ?
Nous avons demandé : comment comprendre que la fraternité est plus importante que le dévoilement de La Vérité ?

Pour tenter de répondre à la question intéressons nous au Midrach qui décrit la rencontre entre Yaaqov à la fin de sa vie, et ses enfants, qu’il va “bénir”.

Yaaqov veut dévoiler la fin des temps, et soudain, il s’interrompt. La présence Divine s'éloigne de lui, nous dit Rashi. Yaaqov a peur, peut-être que sa descendance n’est pas digne ? Il voit probablement les luttes intestines, la désunion.
Alors les enfants disent tous en coeur : “Chema Israel Hachem Elokenou Hachem E’had”. Ecoute Israel [ils parlent à leur père] l’Eternel notre D., L’Eternel est UN. La profession de foi du Judaïsme.

On peut comprendre que de la même façon que D. est UN, alors nous serons UN.

C’est en ce sens que la recherche de l’unité est plus importante que la vérité … tout simplement parce que l’unité c’est La Vérité ultime.

Ensuite Yaaqov enchaînera en “bénissant” les enfants. En fait, ce ne sont pas que des bénédictions. C’est plutôt des caractéristiques de ses enfants que Yaaqov met en exergue. Il veut montrer que chaque enfant est unique. Il aide chaque enfant à comprendre quelle est sa spécificité. Et ainsi, chaque enfant pourra s’épanouir sans vouloir prendre la place de l’autre. Dans le peuple juif chacun aura un rôle à jouer. Et avant de vouloir jouer le rôle de son prochain, il faut connaître sa propre mission, son propre potentiel et tenter de le réaliser.

C’est ainsi que le peuple sera uni : chacun découvrira sa mission et la mènera à son terme.


Même si chaque individu est différent de son prochain, si le peuple s’unit, alors, il est bien plus grand que la somme des individus.

Le UN est inscrit dans la nature humaine. L’homme cherche le UN, il aime le UN.

Quand un homme écoute une mélodie qui le transporte, c’est l’harmonie, qu’il adore, c’est la combinaison des instruments et des notes qui forment une unité. En cherchant sur wikipedia, j’ai vu que “Philharmonie” a pour sens “amour de la musique”. Harmonie signifie donc en grec “musique”. On comprend bien le lien étroit entre la musique et l’unité.

Vayigach 5784

« Yossef dit à ses frères : Je suis Yossef, mon père est-il encore vivant ? Et ses frères ne purent lui répondre car ils étaient bouleversés devant lui.»
Berechit (45,3).


La paracha de la semaine, Vayigach, nous raconte le dévoilement de Yossef devant ses frères.

C'est dans cette paracha que les masques tombent. Les frères de Yossef étaient persuadés d'être dans le vrai. Ils s'étaient débarrassés de Yossef, et ils étaient sûrs d'avoir raison ! Ils en étaient tellement persuadés qu'ils ne pouvaient pas reconnaître leur frère qui était devant eux. Cela prouve vraiment qu'il est terriblement difficile de prendre du recul et d'analyser son comportement.

Au début de la paracha, avant que n'éclate la vérité, c'est Yehuda qui tente de négocier auprès de Yossef. Il lui dit que rentrer au pays sans Binyamine, serait terrible pour son père. Il évoque « le chagrin qui affligerait mon père [Yaaqov] » Berechit (44, 34).

L’argumentaire de Yehuda se fonde sur la douleur du père Yaaqov. On compte une dizaine de fois le mot “Av” ou “Avi” dans sa plaidoirie devant Yossef.

Pourquoi tant insister sur la douleur du père ?

Quand Yossef se dévoile, il enchaîne : “Je suis Yossef, mon père est-il vivant ?”

Le Kli Yaqar explique que Yossef veut vérifier que Yaaqov est bien vivant, et que Yehuda n’a pas utilisé l’image du vieux père uniquement pour attendrir Yossef. Il demande donc si c’est bien vrai : est-ce que Yaaqov est vivant ?

Le Kli Yaqar continue et explique pourquoi les frères se taisent et sont bouleversés. Ils perçoivent dans les paroles de Yossef des accusations.
Yossef dit : “MON père”. Yossef ne dit pas NOTRE père. Cela peut être perçu comme un reproche : quand vous m’avez vendu, vous n’avez pas pensé à notre père, vous avez fait comme si ce n’était pas votre père.
De même, explique le Kli Yaqar, Yossef dit : “Je suis Yossef”, il ne dit pas “Je suis Yossef votre frère”.

Les frères ont donc peur que la guerre fraternelle n’est pas finie. Yossef les rassurera.

Nous avons peut-être compris pourquoi Yossef demande si son père est vivant, mais nous n’avons pas encore compris pourquoi la plaidoirie de Yehuda est centrée sur la douleur de Yaaqov.

La guerre entre Yossef et ses frères a commencé 20 ans auparavant. La confrontation entre Yehuda et Yossef est bien plus qu’une histoire de jalousie fraternelle. C’est une opposition idéologique. Chacun est persuadé d’être dans le vrai. Et les frères ont donc jugé Yossef et l’ont condamné. Ils ont mis en œuvre leur décision… Ils ont oublié que Yossef est leur frère.

Déjà dans la paracha Vayechev, Yossef est parti à la recherche de ses frères (Berechit 37,16) : “Mes frères je recherche”. L’homme lui répond : “Ils sont partis de là” (Berechit 37,17). Rashi explique sur place : “Ils ont quitté la relation fraternelle”.

La faute principale des frères de Yossef est donc claire : ils ont oublié l’obligation de fraternité. Ils ont le droit de ne pas être d’accord avec Yossef. Ils ont le droit de s’opposer idéologiquement. Mais tout se passe comme si la Torah veut nous faire comprendre que la fraternité c’est plus important.

Dans la paracha de la semaine dernière, quand les frères viennent acheter du blé en Egypte on a : “Yossef vit ses frères et les reconnut, mais se rendit étranger vis-à-vis d’eux…” (Berechit 42,7).
Quand les frères viennent en Egypte, Yossef agira mesure pour mesure : il oubliera la relation fraternelle.

Cette opposition entre les enfants de Yaaqov est la mère de toutes les luttes intestines que l’on connaîtra par la suite. En français on parle de “guerre civile”, et hébreu cela se nomme “guerre de frères” = “mil’hemet a’him”.
Chacun est tellement sûr d’avoir raison, qu’il est prêt à aller au bout. On oublie que c’est à son frère que l’on s’oppose. Chacun a ses idées, chacun a sa façon de voir les choses, et on vient aux paroles dangereuses et aux actes terribles.


Mais si je suis persuadé d’être dans le vrai, même si c’est mon frère qui est face de moi, pourquoi n’irai-je pas jusqu’au bout de mes idées ?
Qui me dit que la fraternité est plus importante que les idées qui m’opposent à mon frère ?

Dois-je vraiment sacrifier La vérité, qui est ma vérité, sur l’autel de la fraternité ?

Pourquoi la Torah me montre que la fraternité est plus importante que les dissensions idéologiques ?

Parce que lorsque 2 frères se disputent, cela fait de la peine à Papa ! Les luttes entre frères sont des infractions au respect des parents. Papa souffre lorsque ses enfants se disputent, même pour de grandes idées.

Miqets 5784

 «… Il y aura 7 années de famine.»
(Berechit 41,27)

La paracha de la semaine nous raconte l'ascension surnaturelle de Yossef dans la société égyptienne. Il était dans une obscure prison à la fin de la paracha Vayechev (Chabbat dernier), et voici qu'il va devenir vice-roi d'Egypte.
Cette promotion sociale vient du fait que Yossef saura expliquer le rêve de Pharaon. En prison, déjà il avait expliqué le rêve du préposé au vin (Sar Hamachqim) de Pharaon.

Devant Pharaon il va savoir interpréter que les 7 vaches maigres et les 7 épis rachitiques correspondent à 7 années de famine (verset en entête).

Si on demande à un dirigeant : veux-tu que ton pays connaisse la famine ? Que va-t-il répondre ? Bien évidemment NON ! La famine c’est le ferment de la révolution.

Ainsi, même si la révolution française de 1789 a eu des causes structurelles, les mauvaises récoltes de 1788 et de 1789 sont des éléments déclencheurs.

Et pourtant, la famine a fait la richesse de l’Egypte. Pharaon, en choisissant Yossef, a pu transformer une calamité en un facteur clé de succès.

Grâce à la famine, l’Egypte va devenir La puissance régionale. Pharaon deviendra le maître incontesté. Les Egyptiens vont vendre leur terre et leur force de travail à Pharaon afin de ne pas mourir de faim. L’Egypte va accumuler des richesses incroyables car tous ses voisins viendront y acquérir de quoi se nourrir.

Ainsi, ce qui devait être un malheur pour l’Egypte va se transformer en une opportunité extraordinaire.

Pourquoi ?

Pharaon a compris que Yossef est dans le vrai quand il interprète son rêve.

Et Pharaon a remarqué que Yossef est particulièrement intelligent. Yossef saura adapter l’Egypte aux années d’abondance et ensuite aux années de famine. L’intelligence, c’est la capacité d’adaptation.


A notre niveau, nous sommes submergés d’informations. Si on fait un gros plan sur chaque événement, on peut se lamenter. Combien de malheurs notre peuple a vécu depuis le début de cette année 5784 !
Mais nous devons avoir la FOI. Chaque crise est un moment propice pour monter encore plus haut ! C’est la “destruction créatrice” (Schumpeter). Il faut juste avoir les bonnes lunettes, pour bien analyser.

Mais cela ne suffit pas, il faut ensuite s’adapter aux nouvelles conditions. Alors, même si aujourd’hui, nous ne voyons pas l'Histoire, mais seulement de petites histoires, nous devons être convaincu, qu’au bout du compte, nous comprendrons l’Histoire.

C’est ainsi que nous pouvons comprendre le début du Psaume 126 :

שִׁיר, הַמַּעֲלוֹת:בְּשׁוּב יְהוָה, אֶת-שִׁיבַת צִיּוֹן-- הָיִינוּ, כְּחֹלְמִים. אָז יִמָּלֵא שְׂחוֹק, פִּינוּ-- וּלְשׁוֹנֵנוּ רִנָּה…

Quand D. ramènera les captifs de Tsion, nous aurons l’impression de rêver. Alors notre bouche s’emplira de rire …

A la fin des temps, nous comprendrons le sens de l’histoire. Et nous comprendrons que ce qui pouvait être perçu auparavant comme des peines, a contribué à nous rapprocher du monde idéal.

Vayechev 5784


 «Le puits était vide, il n’y avait pas d’eau.»
(Berechit 37,24)


La paracha de la semaine nous rapporte le triste épisode de la vente de Yossef par ses frères. Ces derniers étaient convaincus d’être dans le vrai. Ils avaient jugé Yossef, et l’avaient condamné.
C’est à cause de la vente de Yossef par ses frères, que la famille de Yaaqov s’installera 20 ans plus tard en Egypte.
Yossef commence sa vie en Egypte en tant qu'esclave, puis devient l'intendant de Putifar. La paracha se termine alors que Yossef est en prison, suite à la dénonciation calomnieuses de la femme de Putifar.

Le verset en entête fait référence au puits où Yossef sera jeté par ses frères.
Et Rashi rapporte que le puits était vide, sans eau, mais avec des scorpions et des serpents !

Le Meche’h ‘Ho’hma cite la guemara Bera’hot 54a. Celui qui voit l’endroit où il a vécu un miracle, fera une bénédiction “béni soit Celui qui m’a fait un miracle dans cet endroit”.
Il précise ce que l’on entend par miracle : il faut que l’évènement soit contraire aux lois de la nature.

C’est pour cela qu’à ‘Hanouka, nous faisons la bénédiction en allumant les bougies, en référence au miracle de la fiole d’huile qui a duré 8 jours au lieu d’un seul jour : c’est contraire aux lois de la nature. En fait, précise le Meche’h ‘Ho’hma, le plus grand miracle de ‘Hanouka c’est la victoire militaire sur Antiochus et son royaume, c’est le début d’une période de 200 ans où la royauté revient à Israel. Mais, pour ce miracle militaire, on ne voit pas que les lois de la nature sont dépassées.

Pour Yossef, le plus grand miracle c’est probablement qu’il est parti du bas de l’échelle pour arriver vice-roi d’Egypte, et entre-temps il est passé par la case prison. Mais ce n’est pas sur ce miracle qu’il fera une bénédiction. Quand Yossef rentrera de l’enterrement de son père Yaaqov, il repassera près du puits où on l’avait jeté. Et là, nous dit Rabbi Tan’houma dans le midrach Berechit Raba, devant le puits il fera la bénédiction. Effectivement, il est sorti vivant d’un puits rempli de scorpions et de serpents, c’est un miracle, c’est contraire aux lois de la nature.

Vayichla’h 5784

 « J’ai eu boeuf et âne, mouton, serviteur et servante …»
(Berechit 32,6)

Au début de la Paracha Vayichla’h, Yaaqov se prépare à retrouver son frère Esaw. Rappelons la façon dont ils s’étaient séparés dans la paracha Toledot : Esaw voulait tuer son frère Yaaqov suite à l’épisode de la bénédiction d’Isaac.

• Il se prépare à l’affrontement armé, en séparant sa famille en 2 camps. Si l’un des deux devaient être frappés, l’autre serait sauvé.
• Il prie D. de l’aider en disant, en autre, « Sauve-moi de la main de mon frère de la main d’Esaw ».
• Il prépare des cadeaux pour amadouer son frère (il veut négocier !).

Yaaqov envoie des messagers qui parleront à Esaw.

Yaaqov a passé 20 ans chez Lavan le roublard. Yaaqov s’est donc perfectionné dans l’art du langage. Les mots qu’il fait porter à Esaw sont chargés de sous-entendus, et ont souvent un double sens. Sous un apparent désir de soumission à son frère, Yaaqov va avertir son frère, voire le menacer.

Le verset en entête fait partie du message que Yaaqov envoie à esaw.
 « J’ai eu boeuf et âne, mouton, serviteur et servante …» (Berechit 32,6)

Rabbénou Be’hayé explique que Yaaqov utilise le singulier pour décrire ses biens “boeuf et âne, mouton, serviteur et servante”. Le juste ne se vante pas de sa richesse, comme il est dit “le riche ne se loue pas par sa richesse” (Jeremie 9). En revanche les réchaïm (les mauvais, les méchants) se vantent de leurs biens. Esaw dira “J’ai beaucoup”.

Rabbénou Be’hayé nous dit aussi que logiquement le mot “tson” = mouton aurait dû être en tête de l’énumération des biens. En effet, le mouton c’est le bien le plus noble. Quand le Pharaon veut enrichir Avraham, qui s’appelle alors Avram, il lui offre “mouton, boeuf et ânes” (Berechit 12,16). De même pour Yits’haq, on énumère les moutons en premier (Berechit 26,14). Pour Yaaqov aussi, dans la paracha de la semaine dernière on décrit son patrimoine en citant les moutons en premier (Berechit 30,43).


Rabbénou Be’hayé explique que Yaaqov ne pouvait pas commencer son énumération par le mouton, car cela aurait fait penser à l’épisode de la Bénédiction que Yaaqov a obtenu de son père Yits’haq au détriment de Esaw. Il n’a pas voulu donner une nouvelle occasion à Esaw de s’en prendre à lui.
Yaaqov, même s’il représente La Vérité, sait utiliser les mots pour faire passer son message. Souvent les personnes profondément vraies ne prennent pas de forme pour faire passer leurs idées. Elles sont tellement convaincues de la vérité, qu’il suffit pour elles de jeter la vérité aux yeux de l’interlocuteur pour être sûr de faire passer le message. Et bien non ! Même la vérité, il faut savoir la partager.

Alors que Lavan utilise les mots pour rouler son prochain, Yaaqov utilisera les mots pour partager la vérité.

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