Tetsawe 5782

«Aaron et ses fils porteront [ces vêtements] lorsqu'ils entreront dans la Tente d'assignation….» CHEMOT (28,43).

La Paracha Tetsawe est la suite logique de la Paracha de la semaine dernière (Terouma). Après avoir expliqué la construction du Michkan, le sanctuaire, la Torah présente le Cohen qui y travaillera. La Torah insiste donc sur les habits du Cohen, et sur les tâches que ce dernier accomplira.


Le Cohen Gadol avait des habits spécifiques qui participaient à son aura. Quand il avançait, on entendait les clochettes de son manteau.
La paracha nous dit “Et on entendait son son quand il entrait dans le Saint” (chemot 28,35). Cela fait référence au son des clochettes de son manteau. Tout se passe comme si, en se présentant devant D. il doit s’annoncer.
Un ami m’a rappelé au nom d’un autre ami, que d’ici j’apprends que je dois sonner en rentrant chez moi. Si déjà devant D. on s'annonce, alors qu’Il sait tout, à plus forte raison, en entrant chez soi, on doit s’annoncer avant d’entrer.


Les habits majestueux font le personnage du Cohen Gadol. Alors, on dit que l'habit ne fait pas le moine … ok, mais il est indéniable que l’habit fait l’homme.
Pourquoi, universellement, l’habit est essentiel pour l’homme. C’est vrai, il existe des nudistes, il existe peut-être quelques tribus perdues qui vivent nues. Mais pour l’écrasante majorité de l’humanité, l’habit est une nécessité.


Si l’on s’intéresse aux lois, on remarquera que se dénuder est souvent un délit. En France, jusqu’en 1994, il y avait le délit d’outrage à la pudeur, qui frappait celui qui se montrait nu en public. En 1960 cette loi avait été amendée pour doubler la peine quand l’atteinte à la pudeur était provoquée par des relations homosexuelles (amendement supprimé en 1980).
Dans le code pénal de 1994 le délit d’atteinte à la pudeur a été supprimé et remplacé par un délit d’exhibition.


Quoi qu’il en soit, c'est encore interdit de se montrer nu dans un endroit public. Pourquoi ce bastion tient-il encore ?

J’espère que je ne vais pas dire de bêtise, mais je vois 2 voies d’explication :
1/ Le bastion tient encore, mais c'est provisoire. Pour l’instant, il est interdit de se montrer sans vêtement, mais cela changera peut-être. La loi peut changer. De la même façon que l’homosexualité était aupravant punie par la loi, et qu’aujourd’hui, elle est légale, peut être que se promener dans un espace public sans habit sera un jour autorisé.

2/ L’humanité ressent qu’il y a quelque chose d’universel dans le fait de porter des habits. C’est en quelque sorte une valeur universelle.
Un homme, c’est un corps et une âme. C’est une partie visible et une partie invisible. Si je vois le corps sans vêtement de quelqu’un, je peux avoir l’impression que l’autre se résume à un corps. Je peux avoir l’impression que j’appréhende entièrement l’Autre. Quand devant moi, je vois un verre, je l’appréhende complètement. Je sais ce qu’il est et ce qu’il contient. Résumer l’autre à un corps m’induit en erreur. J’oublie la partie divine qui est en l’Autre. Or, de la même façon que je ne peux pas appréhender D., je ne peux pas appréhender l’Autre. Je peux m’approcher de l’Autre. Je peux m’approcher de D.
Mais jamais je ne pourrai connaître D. ou l’Autre intégralement.
 

L’habit qui cache le corps de l’Autre vient ancrer en moi que l’Autre est Autre. L’habit constitue une barrière qui me rappelle que l’Autre a aussi une âme divine. L’Autre n’est pas un objet.
Quand je rentre chez moi, et que je dois sonner, c’est aussi pour ancrer en moi que je ne suis pas le centre du monde. L’Autre, même celui qui est très proche de moi, a le droit d’être considéré comme un Autre.

Personnellement, je préfère penser qu’il existe des principes universels que doit préserver (retrouver ?) l’humanité. Respecter l’Autre, ne pas le considérer comme un objet, est je l’espère, un principe universel.

Chabbat Chalom
Stéphane Haim COHEN