Michpatim 5781

«Quand tu achèteras un esclave hébreu, …  »
Chemot (21,2).


La Paracha Michpatim présente essentiellement des mitswot « sociales » qui régissent les relations entre l’homme et son prochain.


De la même façon que les 10 paroles (les 10 commandements, dans la Paracha précédente, YITRO) proviennent du Mont Sinaï, le lieu de La Révélation, les lois sociales sont aussi issues du Mont Sinaï (Rachi).
Le message est clair, la Torah, n’est pas une Loi qui permet de vivre dans une tour d’ivoire, la Torah c’est la Loi pour vivre en société.


Les premières lois présentées concernent les obligations d’un homme qui a acheté un esclave hébreu. Pourquoi commencer cette paracha par une loi sur l’esclavage ?
La Torah est elle en faveur de l’esclavage ? Pourquoi ces lois précédent-elles des lois bien plus “utiles”, bien plus “belles” ?


Ensuite, pourquoi juste après ce passage sur les lois de l’esclavage, on saute du coq à l’âne, pour dire que “Celui qui frappe un homme et que celui-ci meurt, sera mis à mort” ? (Chemot 21,12)

J’espère que je ne vais pas trahir le message de la Torah en présentant ce à quoi j’ai réfléchi cette semaine.
Les semaines précédentes, depuis la paracha Chemot, nous avons expliqué que le peuple juif a vu le jour en se positionnant contre les injustices. Le peuple juif doit être le peuple qui combat les injustices. Rien n’est insurmontable, même les injustices de naissance !
Rien n’est inaccessible, même la proximité avec D. est possible pour tous ! Lors de la traversée de la Mer, tout le peuple a pu s’approcher de D. ! Tous ont les mêmes droits, ils peuvent “rencontrer” le divin !
Dans Yitro, nous avons compris que la Torah est là pour tous ! Elle est à la disposition de tous ! Il suffit de venir et de l’apprendre et de la prendre, de la faire sienne !

Aujourd’hui, dans Michpatim, la Torah nous donne en premier des lois qui viennent combattre les injustices. La Torah s’intéresse d’abord au bas l’échelle sociale.

Il y a des gens qui vendent leur force de travail à la journée. L’esclave, c’est pire, il a été contraint de vendre tout son temps. Il est devenu esclave parce qu’il a volé et qu’il n’a pas pu rembourser. Il est aussi peut-être devenu esclave car il n’avait plus de quoi subvenir aux besoins vitaux de ses proches. Et bien c’est à lui, à ce malheureux que la Torah pense en premier. La Torah vient imposer un comportement exemplaire au Maître qui emploiera un esclave. La Torah veut limiter (même dans le temps) l’esclavage. L’esclavage est un état de fait a posteriori. La Torah n’est pas esclavagiste. Elle veut juste protéger celui qui est au bas de l’échelle sociale. Elle veut l’aider à s’en sortir. La Torah fait tout ce qui est nécessaire pour que le Maître n’abuse pas de sa position dominante. S’il n’y a qu’un oreiller, ce sera pour l’esclave !

On comprend ici que la Loi, c’est d’abord pour protéger le faible et combattre les injustices.
Mais alors pourquoi enchaîner sur la peine encourue par le meurtrier ?

 

En fait la réponse se trouve peut-être 2 versets plus loin. “Si un homme agit avec préméditation contre son prochain pour le tuer par ruse, d’auprès de mon Autel tu le prendras pour qu’il meure” Chemot (21,14)
Pourquoi faut-il prendre le meurtrier de l’Autel ? Rashi explique que si le meurtrier était Cohen, on vient le chercher près de l’Autel… pour qu’il subisse la peine.

La Torah vient me faire comprendre ici que la Loi est la même pour tous. Même le puissant purgera sa peine. La Loi est parfois un moyen pour le puissant d'opprimer le faible. Ici la Torah vient commencer la paracha des lois de la vie en société par des lois qui combattent les injustices sociales. Le malheureux (l’esclave) doit être protégé. Le riche, le puissant, le Cohen est soumis à la même loi que tout le monde.
La Loi doit être juste et identique pour tous. On ne pourra pas envoyer quelqu’un au bagne pour avoir volé un morceau de pain ! Le misérable aussi a le droit à la justice !

Voici une citation d’Albert Einstein, que j’ai trouvée grâce à un écrit du Rav Yonathan Zacks zal :
"The pursuit of knowledge for its own sake, an almost fanatical love of justice and the desire for personal independence -- these are the features of the Jewish tradition which make me thank my stars that I belong to it."

“La recherche de la connaissance pour elle-même
(Lichma !), un amour quasi fanatique de la justice, et le désir d’indépendance personnelle, … ce sont les caractéristiques de la tradition juive, qui me font remercier ma bonne étoile de m’avoir fait naître juif”

Chabbat Chalom
Stéphane Haim COHEN