"D. dit à Bilaam : tu n’iras pas avec eux, tu ne maudiras pas le peuple, car il est béni"
(BAMIDBAR 22,12)
Cette semaine, nous lirons la paracha BALAQ.
En dehors d'Israel, on lit la paracha ‘Houqat. Ici un commentaire envoyé la semaine dernière.
BALAQ, c'est le nom du roi de Moav qui avait décidé de s'en prendre aux Bné Israel, dans le désert. Cependant, il avait remarqué que la manière forte ne fonctionne pas, puisque les Bné Israel gagnaient leurs guerres de manière surnaturelle.
Balaq décide donc de demander de l'aide à Bilaam, qui est un prophète des nations, et qui va être chargé de maudire les Bné Israel.
Mais Bilaam échouera dans sa mission : il ne parviendra pas à maudire les Bné Israel, au contraire, il les bénira.
Rabbénou Be'hayé pose une question qui peut sembler évidente.
Comment est-il possible qu'un être humain ait la faculté de changer la volonté divine ?
Et, en plus, si Bilaam n'a pas le pouvoir d'interférer, pourquoi D. ne veut donc pas que Bilaam maudisse les Bné Israel ? Laissons le parler ! Pourquoi museler Bilaam ?
Plus généralement, comment comprendre le concept de malédiction ?
Bilaam était un prophète des nations. Qu’est-ce qu’un prophète ? C’est une personne qui analyse la situation et qui, grâce à ses capacités, prévoit le futur. Il a tellement compris le présent, que le futur devient clair. De la même façon qu’un homme sait que lorsqu’il lache une pomme, quelques instants après la pomme sera sur le sol, un prophète voit le présent, et maîtrise les liens de causalité entre les différents évènements. Il sait donc prévoir.
Pour être un bon prophète, il faut donc bien voir le présent. Il faut savoir voir.
Voir, il en est beaucoup question dans notre paracha. Voici une liste non exhaustive :
- Cela commence par “Balaq a vu” Bamidbar (22,2).
- On décrit le Bné Israel comme le peuple qui “a couvert l’OEIL de la terre” Bamidbar (22,5) L’oeil de la Terre, nous explique Rashi, c’est Si’hone et ‘Og, qui ont été écrasés par les Bné Israel.
- “L’ânesse vit l’ange…” mais pas Bilaam, Bamidbar (22,23)
- “Il vit le bout du peuple” Bamidbar (22,41). Bilaam va tester différents points d’observations pour mieux VOIR les Bné Israel et tenter de les maudire.
- Un peu plus tard, Bilaam commencera sa tirade en se décrivant : “discours de l’homme à l’oeil crevé”. Bamidbar (24,3).
Pour maudire, il faut commencer par VOIR, et tenter de prévoir. Maudire, c’est en quelque sorte voir et décrire pour mettre en exergue les points faibles. D’ailleurs la Torah dit “LO TAOR” (verset en entête), pour dire “Tu ne maudiras pas”. Ce verbe a la même racine que LeTAER = décrire.
Maudire c’est voir, dire le présent, et comprendre comment on peut intervenir pour infléchir l’avenir. Bilaam pourrait être très dangereux, s’il analyse bien le présent. il pourra donner des clés à Balaq, qui lui permettront de faire chuter les Bné Israel.
La Torah veut donc éviter la malédiction de Bilaam. D. ne veut pas que Bilaam trouve le point faible des Bné Israel, pour qu’ils fautent, et méritent d’être écrasés.
La malédiction ici, n’est donc pas une formule magique qui permettrait de changer la volonté divine. La malédiction commence par la volonté de voir le mal. Bilaam voit mal (il est borgne), et surtout voit le mal, il cherche le mal.
Par la malédiction on trouve le point faible de l’autre, qui permettra de le manipuler. Maudire, c’est trouver les ressorts pour faire de l’Autre mon objet.
D’ailleurs, bien qu’il n’ait pas pu maudire les Bné Israel, Bilaam saura conseiller à Moav d’envoyer ses filles se prostituer pour faire fauter les Bné Israel.
Par le mérite de Pin’has le peuple sera épargné. A la fin de notre paracha, “Pin’has a VU” (Bamidbar 25,7). Pin’has voit le mal qui est commis et agit. Il a vu le danger de la situation. Il a vu que les Bné Israel pouvaient tragiquement finir. Il agit en prenant un javelot et transperce les 2 fauteurs. C’est ainsi que l’épidémie contre les Bné Israel fut stoppée.
Chabbat Chalom
Stéphane Haim COHEN