Bechala’h 5782

« Moshé et Aaron dirent à tous les bné Israel, le soir, vous saurez que c’est D. qui vous a sortis du pays d’Egypte »
Chemot (16,6)

Après la sortie d’Egypte, nous vivons cette semaine la traversée de la Mer des Joncs. Pharaon regrette d'avoir laissé sortir les Bné Israel d'Egypte. Il les poursuit donc avec son armée, jusqu'à la Mer des Joncs. La mer s'ouvre, les Bné Israel passent à pieds secs, les égyptiens les suivent et sont engloutis. Ils chantent la Chira « Az yachir Moshé ».


La fin de la paracha présente la manne qui tombe chaque jour de la semaine, sauf le chabbat.
D. envoie donc la manne, ce qui sera fait quotidiennement pendant 40 ans (sauf chabbat bien évidemment).


Mais, ce n'est pas tout, la viande aussi tombe du ciel. Des oiseaux bien gras (les cailles) sont promis aux Bné Israël.

Cette semaine, un ami, avec qui j'étudie régulièrement, m’a montré le commentaire du Sforno sur le verset en entête :

Ce verset est en quelque sorte, une prière de Moshé. Que cette nourriture du soir corresponde à vos besoins du soir, et ainsi vous saurez que D. vous a complètement fait sortir d'Egypte. Car en Egypte vous aviez de mauvaises habitudes alimentaires. Vous étiez assis autour de la marmite de viande, sans fixer un temps précis pour le repas. Vous n’aviez pas d’heure fixe pour le repas, vous mangiez comme des animaux. D’ailleurs, nos maîtres disent que les bné Israel mangeaient auparavant comme des coqs. Ils passaient leur journée à picorer. Moshé est arrivé, et a fixé des temps pour le repas.

La lecture du commentaire du Sforno m’a immédiatement fait penser au livre de Jacques Attali, “Histoires de l’alimentation”, que je lis en ce moment.

En effet, le monde change. Comprenons-nous que notre façon de manger change comme elle n’avait jamais autant changé. Mettons de côté ce qui est dans l’assiette, pour s’intéresser plutôt à notre façon de manger.
La tendance de l’homme moderne est de ne plus manger à heure fixe. On va manger devant son écran au travail, ou devant son écran à la maison. On va grignoter et on oublie les vrais repas. Mais grignoter, c’est être esclave. C’est ce que nous dit le Sforno. En Egypte, nous mangions tout ce qui était possible de manger, quel que soit le moment de la journée… En ce sens, l'esclave ressemble à l’animal.

Moshé a fixé des heures pour manger. L’humanité avait des heures pour manger, 2, 3 ou 4 repas par jour… Aujourd’hui, on glisse vers la fin des repas… si on ne fait pas d’efforts, nous deviendrons tous des grignoteurs !
La conséquence est terrible : quand on grignote, on est seul ! Le repas n’est plus un temps de partage. Le repas n’est pas utile uniquement pour remplir notre estomac. Le repas est essentiel pour nourrir notre cerveau. Parler, échanger, discuter … c’est élargir, grâce au repas, nos horizons. Parler avec l’Autre permet de grandir, c’est sortir de ses limites, sortir de l’Egypte. D’ailleurs, le soir où l’on revit la sortie d’Egypte, le 15 Nissan (Pessa’h) est le moment de l’année où le repas est le plus institutionnalisé. Le seder est le repas de famille par excellence. Le moment d’échange. Le moment où la présence des enfants est essentielle, c’est leur éducation qui est en jeu.

Le chabbat est aussi un moment sacré, où l’on peut être à table, ensemble, sans téléphone, sans parasites. Un jour, une personne que j’estime beaucoup, un non-juif, m’a dit qu’il enviait “nos repas” de chabbat, qui lui font rappeler les dimanches midi de son enfance.

Que vont devenir les enfants qui ne participent plus à de tels repas ? Vont-ils trouver un autre moyen de développer leurs capacités intellectuelles ? Se priver de tels échanges, c’est passer à côté d’opportunités exceptionnelles. Qui dit que le monde de demain ne créera pas que des idiots, ou des hommes robots qui ne pensent plus ?

Faire l’effort de manger avec l’Autre, avec les enfants, même en semaine, à des heures fixes, est une façon de créer un monde meilleur. Pas facile… Mais cela pourra être notre petite pierre à la construction de l’édifice.

Que D. apporte la guérison à toute l'humanité !

P.S. : contrairement à ce que l’on pourrait croire, je ne suis pas un exemple de régularité pour les repas de la semaine… mais je suis convaincu que c’est important, et que je peux progresser. Cette paracha m’aidera peut être…

Chabbat Chalom
Stéphane Haim COHEN