"Si ton frère s’appauvrit … Ne prends pas de lui d’intérêt et d’usure, et tu craindras ton D., et ton frère vivra avec toi. … Je suis D. qui vous ai fait sortir de la terre d’Egypte…"
(VAYIQRA 25, 35-38).
La paracha Behar commence par présenter les lois de la Chemita (l'année chabbatique de la terre, on ne doit pas travailler la terre pendant un an), et celles du Yovel (=Jubilé). Entre autres, la Torah veut nous faire comprendre que nous ne sommes pas propriétaires de la Terre. Nous sommes là pour l'utiliser. Mais tous les 7 ans, nous la rendons, sans la travailler. La chemita contribue à combattre l'instinct de possession qui est en nous.
Un peu plus loin dans la paracha, on nous rappelle l’interdit du prêt à intérêt.
La guemara Baba Metsia présente en détail les lois du prêt à intérêt, dans le chapitre “Hezeou Neshe’h”.
A la page 61a de Baba Metsia Rava dit :
Pourquoi la Torah a-t-elle lié les lois du prêt à intérêt à la sortie d’Egypte? (versets en entête)
Rava répond que de la même façon que D. a distingué les premiers nés d’Egypte de ceux qui ne l’étaient, alors Il saura punir celui qui prête son argent avec intérêt en faisant croire que les fonds prêtés appartiennent à un non juif.
En effet, en Egypte, compte tenu de la dépravation des moeurs, dans une même maison, pour une seule mère, il pouvait exister plusieurs enfants premiers nés. Il suffit que la mère ait eu des relations extra-conjugales.
La Torah veut nous montrer que même si on pense rouler son prochain, et faire bonne figure, il y a un oeil qui voit tout, et une oreille qui entend tout.
Il est toujours compliqué de s’intéresser aux raisons des commandements de la Torah. Mais, comment comprendre l’interdit du prêt à intérêt ?
Si j’ai un appartement, j’ai le droit de le louer et de le récupérer à l’échéance. Pourquoi ne pourrai-je pas louer un capital de 10000 €, contre un loyer mensuel, et le récupérer le capital à l’échéance ?
La Torah par l’interdit du prêt à intérêt, veut nous pousser à être bon avec notre prochain. Elle veut nous apprendre à agir gratuitement, sans retour. D’ailleurs, on le comprend bien dans les versets en entête. La Torah nous parle du frère qui s’est appauvri. La Torah nous dit, et ton frère vivra avec toi.
La Torah veut nous inculquer le ‘Hessed, nous devons faire le bien, même si cela nous coûte.
La Torah ne veut pas du prêt à intérêt car il risque de pourrir la société. Le prêt à intérêt risque d’augmenter les inégalités. Le riche deviendra facilement plus riche … et le pauvre plus pauvre.
Le riche pourra s’enrichir en restant improductif. Il pourra dormir et voir son capital augmenter sans risque. Au bout du compte, le riche oubliera que c’est D. qui donne la bénédiction. Le prêteur à intérêt ne lèvera pas les yeux au Ciel pour demander des moyens de subsistance. Le prêteur à intérêt ne comptera plus que sur lui pour gagner sa vie. Il dira, je m’enrichis “par ma force et la puissance de ma main”. Le prêt à intérêt nous éloigne donc de la crainte du Ciel.
Le prêt à intérêt ressemble donc à la Terre d’Egypte. En Egypte, on ne prie pas pour la pluie. En Egypte, on compte sur le Nil et ses crues pour les récoltes. Pas besoin de prier ! Tout dépend de la force de travail.
La Torah veut donc nous apprendre la modestie : je dois comprendre que mes efforts sont nécessaires pour gagner ma vie … mais si je ne compte que sur mes efforts, alors je perds ma vie, car je deviens un orgueilleux, qui ne connaît pas la crainte du Ciel.
Chabbat Chalom
Stéphane Haim COHEN