DEVARIM 5782


« Voici les paroles qu'a dit Moshé à tout Israel, sur la rive du Jourdain, dans le désert, dans la plaine, face à la mer de Souf, entre Parane et Tofel, et Lavane et ‘Hatsérot et DI ZAHAV » (DEVARIM 1,1)


"Cessez d'y apporter l'oblation [min’ha] vaine, votre encens [Ketorete] m'est en horreur: néoménie, sabbat, saintes solennités, je ne puis les souffrir, c'est l'iniquité [aven] associée aux fêtes!" (Yichayaou 1,13 - Haftara de la semaine)

Le livre de Devarim, le cinquième et dernier de la Torah, est constitué des recommandations de Moshé aux Bné Israel. En effet, le peuple est sur le point d'entrer en Israel, Moshé est sur le point d'être rappelé par D.
Moshé donne donc des conseils, fait des réprimandes pour toutes les fautes qui ont été commises par le peuple dans le désert. Moshé veut que les Bné Israel tirent des leçons du désert afin de réussir leur vie en Israel.
Dans le premier verset de la paracha (en entête), les réprimandes aux Bné Israel sont masquées. En effet, la Torah cite des lieux qui n’ont rien à faire ici (dans le désert), ou même qui n’existent pas (Lavane, Tofel). Ces lieux sont une façon de réprimander les bné Israël pour les fautes commises pendant les 40 ans dans le désert : le veau d’or, les révoltes contre la manne, ….

La Paracha Devarim est traditionnellement lue juste avant le 9 av, le jour de deuil national, le jour qui commémore la destruction des 2 temples, le jour de jeûne où même étudier (autre chose que des sujets tristes) est interdit. Ce chabbat, nous serons le 9 av, par conséquent, le jeûne est décalé au 10 av. Samedi soir, avant la fin du chabbat, juste avant le coucher du soleil, le jeûne débutera, pour se terminer dimanche soir.

La Haftara qu’on lira chabbat matin est extraite du début du livre de Isaïe. Elle commence par ‘Hazon Yichayaou, la vision (prophétie) de Yichayaou. Elle donne son nom à ce chabbat que l’on appelle “Chabbat ‘Hazon”.

On y lit :
Cessez d'y apporter l'oblation [min’ha] vaine, votre encens [Ketorete] m'est en horreur: néoménie, sabbat, saintes solennités, je ne puis les souffrir, c'est l'iniquité [aven] associée aux fêtes! (Yichayaou 1,13)
J’ai eu la chance d’étudier cette semaine, avec un ami, le commentaire du Meche’h ‘Ho’hma sur ce verset. Je vais essayer de vous en rapporter quelques bribes, et j’espère que je ne le trahirai pas !

Le Meche’h ‘Ho’hma commence en citant la guemara de Kritot 6b : Tout jeûne dans lequel on n’associe pas les fauteurs d’Israel n’est pas un jeûne. De la même façon que la ‘Helbena est malodorante, et malgré tout fait partir des 11 composants de l’encens, le fauteur doit être intégré au peuple, pour que le bien se diffuse encore plus. Le fauteur est un catalyseur, ou un maillon essentiel qui permettra à l’ensemble de monter plus haut.
Mais attention, les fauteurs sont essentiels à l’assemblée. Mais si au sein de l’assemblée, les fauteurs ont tous les mêmes travers, ils vont s’aider les uns, les autres, et au lieu de se corriger pour le bien être de tous, ils vont développer leurs travers. Assembler des gens bien, c’est profitable à la société. Y intégrer des fauteurs contribue à élever cette assemblée. Mais assembler des fauteurs, c’est dangereux pour tous !

Le Temple, le Beth Hamikdach, était l’outil qui servait à unir le peuple. Le coeur des hommes est tourné vers le Temple. Comme on le dit pour la prière, tout Israel dirige son coeur vers le Temple. Le Meche’h ‘Ho’hma explique que c’est cette unité du peuple en direction du Temple qui a rendu possible les miracles au Temple. Lorsque que le peuple n’est qu’une somme d’individus, alors, ce sont les lois de la nature auxquelles nous sommes soumis. En revanche, si nous sommes unis, en regardant vers le Temple, alors nous méritons les miracles du Temple. C’est l’unité où chacun apporte ses qualités : l’un apporte sa crainte du Ciel, l’autre apporte son amour du prochain, l’autre sa Torah …. Et toutes ces qualités permettent de dissoudre les défauts des uns et des autres. Comme il est dit à propos de Yts’haq “il sentit l’odeur de ses vêtements [ceux de Esaw]” Berechit (27,27). Le Midrach dit qu’il ne faut pas lire Begadav les vêtements, mais Boguedav = ceux qui le trahissent. Le Meche’h ‘Ho’hma explique que l’odeur du Gan Eden, on la sent grâce à ceux qui le trahissent, grâce aux fauteurs. C’est la force de l’unité. Même les fauteurs contribuent à l’harmonie, ils sont essentiels au fonctionnement du Temple.

En ce qui concerne les offrandes céréales (min’ha = oblation) elles ne peuvent être apportées que par un individu, ou une collectivité. Des associés ne peuvent pas apporter ce type d’offrande (contrairement aux sacrifices animaux). A l’époque de la destruction du Temple, il n’y avait plus d’unité dans le peuple. Chacun souhaitait dévorer son prochain. On ne pouvait donc plus apporter de min’ha du tsibour (collectivité), puisque le public était désormais une somme d’individus. Le Meche’h ‘Ho’hma explique donc le verset de Isaïe : “n’apportez plus les oblations (min’ha) qui sont vaines”. De même, la ‘Helbena se dissout et contribue à la bonne odeur de la Ketoret, lorsqu’il y a unité. Mais si on est dans le règne du chacun pour soi, alors on ne sentira que la ‘helbena qui a une mauvaise odeur. C’est ce que veut nous faire comprendre la suite du verset “l’encens est devenu une abomination”.


Le Meche’h ‘Ho’hma a ainsi expliqué le verset d’Isaïe. L’unité a disparu, les hommes se dévorent, les offrandes n’ont plus de raisons d’être, elles sont vaines, ou abominations. Et si les offrandes sont inutiles, le Temple devient aussi inutile… logiquement, il a donc été détruit.

Le Meche’h ‘Ho’hma continue. Il semble qu’il se demande pourquoi malgré tout le Temple a été détruit ? C’est vrai, il n’y avait pas d’unité, mais le repentir n’était-il pas possible? N’était-il pas possible de se corriger ?

Le Meche’h ‘Ho’hma explique qu’il existe 2 types de remontrances.
 

1/ Les remontrances de mimétisme, celles que l’on reçoit des gens qui nous ressemblent. Quand je vois mon prochain, qui me ressemble et qui se comporte bien, c’est une réprimande, sans besoin de la formuler avec des mots. Si M. X voit son prochain qui est pauvre, qui élève ses enfants dans la difficulté, et malgré tout, le prochain reste honnête, ne triche pas dans les poids et mesures, ne roule pas les autres… Alors M. X a une réprimande vivante devant lui. L’autre n’a pas besoin de parler, son existence est un exemple pour tous ceux qui lui ressemblent, une réprimande pour tous ceux qui lui ressemblent et qui se comportent mal.
On dit que le Temple a été détruit parce que les gens ne sont pas fait de réprimandes les uns, les autres (zé ète zé). En fait, le Meche’h ‘Ho’hma explique que les gens ne pouvaient plus apprendre les uns des autres. Ce type de remontrance était inexistant, car les gens ne regardaient chez les autres que les travers. Même si les gens étaient du même niveau, personne ne voyait les qualités de l’autre, tellement la désunion était grande.
 

2/ Le 2è type de remontrance, ce sont celles que les grands, les rabbanim, les maîtres font aux petits, au peuple. A ce sujet le Meche’h ‘Ho’hma rappelle que Jerusalem a été détruite car le peuple méprisait les sages (Guemara Chabbat 119b). Les grands pouvaient faire des réprimandes mais personne ne les écoutait. Le peuple méprisait les sages. Le peuple regardait les dirigeants et pensait, s’ils étaient à notre place, ils seraient pire que nous ! Les grands n’ont pas nos problèmes, ils n’ont pas de soucis, ils n’ont donc rien à nous reprocher !

Conclusion :
Notre paracha a commencé par des remontrances (verset en entête), ou plutôt des allusions qui ont fait office de remontrances. Et cela a fonctionné, les Bné Israel, entreront en terre sainte.

Plus tard, le Temple a été détruit, les remontrances étaient inexistantes. Le peuple ne pouvait donc pas changer son comportement. Les travers étaient devenus une seconde nature. La désunion ne pouvait que durer et perdurer… Le Temple était donc inutile.

Réfléchissons, agissons, transformons-nous, prions, pour mériter des grands que nous écouterons, pour s’inspirer des autres qui seront des exemples, et pour tous retrouver l’union, regarder dans la même direction. Ainsi nous verrons le 3è Temple, et Jerusalem reconstruite complètement ! Amen !

Chabbat Chalom
Stéphane Haim COHEN