'Haye Sarah 5786

'Haye Sarah 5786
 « Et j’ai dit à mon maître : peut-être que la femme ne me suivra pas »
(Berechit 24,30)


Le début de la paracha ‘Haye Sarah est consacré à l’achat du terrain de Ma’hpela par Avraham. Ce lieu, est celui où Adam et ‘Hava sont enterrés, et c’est aussi celui où reposent Avraham et Sarah, Yts’haq et Rivka, Yaaqov et Léa.
Puis la paracha présente le passage où Avraham charge son serviteur, Eliezer, d’aller chercher une épouse pour son fils Yts’haq.

Avraham a été précis avec Eliezer : il ne faut pas prendre une fille de Canaan. Eliezer, le bon serviteur, va scrupuleusement respecter l’ordre de mission. Il ira chez Bethouel et son fils Lavan, et ramènera Rivka la soeur de Lavan, pour épouser Yits’haq.

J’ai imaginé un dialogue père-fille sur certains passages de la paracha.


La fille : Dis moi Papa, comment se fait-il qu’Avraham demande à Eliezer d’aller chercher une femme bien loin ? N’y a-t-il pas en terre de Canaan des jeunes filles bien ? En plus Avraham a ramené beaucoup de gens au monothéisme, ne peut-il pas trouver une femme bien, chez les locaux [en français, à ne pas confondre avec loco en espagnol, qui n’a rien à voir avec la locomotive] ?

Le père : Tout d’abord, ma fille, j’espère que je ne vais pas te raconter de bêtises. Je vais tenter de te donner des pistes pour répondre, mais peut-être que je me trompe,... alors discutons !
Entrons dans le vif du sujet : si Avraham ne veut pas d’une fille de Canaan, c’est qu’il connaît les défauts des habitants du pays. Ces défauts sont ancrés dans ces habitants.

La fille : Mais, n’a-t-il  pas réussi à influencer, à convertir au monothéisme ?

Le père : Oui, mais il faut croire que cela ne suffit pas ! Même si certains ont rejoint Avraham, il faut croire que pour Yist’haq, le choix d’une fille de Canaan n’est pas optimal.

La fille : Quoi, tu me dis qu’il y a des gens en Canaan, qui sont des gens bien, qui ont adhéré à la foi d’Avraham, mais cela ne suffit pas pour être digne d’Avraham ? Tu me dis que c’est mieux de prendre une fille qui est née dans une famille d’idolâtres ? La fille de Béthouel, la soeur de Lavan, c’est un bon parti ? 
Sous prétexte que c’est de la famille, on oublie tous les gens bien qui vivent dans l’entourage d’Avraham ? C’est une question de gènes ? Quelqu’un qui a progressé, qui semble bien sous tout rapport est disqualifié, alors qu’une famille d’idolâtres, de roublard est sélectionnée. Cela semble vraiment une question de gènes !

Le père : Calmons-nous ! Peut-être qu’il y a des qu’il y a des défauts qui se transmettent des parents aux enfants. Peut-être que c’est même autre chose que de l’éducation. Peut-être qu’il y a des caractéristiques qui se transmettent. Alors c’est vrai, nous avons le libre arbitre. Nous pouvons dépasser les défauts transmis à la naissance, et ceux acquis de par l’environnement.
Tu sais, quand Eliezer raconte à la famille de Rivka (verset en entête) : 
 « Et j’ai dit à mon maître : peut-être [OULAY] que la femme ne me suivra pas » (Berechit 24,30)

Dans la Torah le “peut-être” est écrit sans le vav du son “ou”. On peut donc le lire “OULAY”, comme on le fait. Mais on peut aussi le lire “élay” = vers moi.

Rashi explique ce double sens. Il nous dit que Eliezer cherchait un prétexte pour qu’Avraham lui demande de prendre la fille d’Eliezer, le serviteur, comme épouse pour Yits’haq. Rashi rapporte la réponse donnée par Avraham selon le Midrach Raba : 
Mon fils est béni, et toi tu es maudit, un maudit ne peut pas s’attacher à un béni.

Peut-être qu’Avraham sait qu’il y a dans la nature de son serviteur, quelque chose qu’il a transmis à sa fille, et qui ne sera pas bon pour ses descendants.

La fille : c’est terrible ce que tu racontes. Je ne peux pas croire que ce qui est le plus important pour choisir une épouse, ce sont les gènes ! Et les qualités, on les oublie ?

Le père : Tu n’as pas lu la paracha ? Tu sais bien que Rivka est sélectionnée grâce à sa bonté. Elle va donner à boire à Eliezer et à ses chameaux !
La fille : Et l’environnement dans lequel elle est née, cela ne compte pas ? Les gènes de la famille sont plus importants que l’influence néfaste de l’environnement ?

Le père : c’est tout le contraire ! Tu sais Avraham est prêt à délier Eliezer de sa promesse si la jeune femme ne veut pas le suivre. Yits’haq ne doit surtout pas quitter le pays natal. Si Yist’haq part pour épouser une jeune fille, et il sera perdu, son environnement le contaminera, bien qu’il soit le fils d’Avraham et Sarah. En plus, si Eliezer ne ramène pas l’élue, alors Avraham préférera une fille bien de Canaan, plutôt que son fils change d’environnement. Les caractères acquis sont donc bien plus importants que les gènes !

La fille : je ne comprends plus rien. Pourquoi alors risquer de prendre Rivka, alors qu’elle est née dans un environnement profondément vicié ?

Le père : En fait, Avraham, n’est pas un gagne-petit. La sécurité, pour lui, eut été de prendre une fille bien de Canaan. Mais en allant chercher une fille de sa famille pour Yits’haq, il a beaucoup à gagner pour le futur peuple juif. Il connaît les gènes de la famille, il connaît les défauts. Mais il connaît aussi le potentiel, s’il parvient à faire grandir la jeune fille dans un bon environnement. Les gènes problématiques de la famille, les mauvais traits de caractères, il les connaît. Il connaît le travail à accomplir pour se parfaire. Il sait que Yist’haq et Rivka ont, ensemble, un potentiel beaucoup plus grand, que si Yits’haq avait épousé la fille de Eliezer.

La fille : depuis quand on se marie avec un potentiel ?

Le père : On ne parle pas de n’importe qui ! Nous parlons des pères de notre peuple. Nous portons en nous leur héritage. En revanche, pour ton futur chidou’h, tu as probablement raison, on ne peut pas sur-valoriser le potentiel.

 

Chabbat Chalom,
Stéphane Haim COHEN

www.limud.net