Non je n’ai pas oublié
« Et tu diras devant l’Eternel ton D., j’ai fait disparaître le sacré de la maison et aussi j’ai donné au Lévi, au converti, à l’orphelin et à la veuve selon ton commandement que tu m’as ordonné, je n’ai transgressé aucun de tes commandements, et je n’ai pas oublié.»
(DEVARIM, 26,13)
Cette semaine, nous lisons la Paracha Ki Tavo. Cette longue paracha comporte des bénédictions, mais aussi et surtout 98 malédictions terribles. Cela remet les idées en place avant le jugement à Roch Hachana.
La paracha commence par le passage des prémices, les premiers fruits de l’année doivent être apportés au Temple.
Puis la paracha parle du traitement des prélèvements qui n’ont pas été distribués. A la fin de la 3è année après le début de la chemita (idem pour le second cycle de 3 ans, donc à la 6è année), on doit doit faire disparaître [le bi’our] les prélèvements (maasser) qui avait été prélevés mais qui n’ont pas été distribués.
Après ce bi’our, il y a le vidouy (confession ? déclaration ?), il faut prononcer le passage en entête :
“J’ai fait disparaître le sacré de la maison et aussi j’ai donné au Lévi, au converti, à l’orphelin et à la veuve selon ton commandement que tu m’as ordonné, je n’ai transgressé aucun de tes commandements, et je n’ai pas oublié.” (DEVARIM, 26,13)
Rashi explique que “je n’ai pas oublié” signifie je n’ai pas oublié de faire la bénédiction sur les maasser.
Le Sifté ‘Ha’hamim explique que l’on peut pas dire que Rashi parle de bénédiction au sens “Béni sois tu l’Eternel, notre D. …” car ce serait un anachronisme, puisque les bénédictions sur le maasser sont d’ordre rabbinique et pas Toraïques. Mais le Sifté ‘Ha’hamim nous donne aussi les références de la Michna 11 du 5è chapitre de Maasser Cheni. Là bas, Tossefot Yom Tov nous explique que Rashi parle vraiment de la bénédiction au sens “Barou’h Ata …”. Et même si l’on sait très bien que cette bénédiction a été instituée par les rabbins, on l’a appuyée sur le verset en entête (asma’hta).
En tout état de cause, celui qui fait le bi’our doit rappeler qu’il n’a pas oublié la bénédiction lorsqu’il a prélevé les maasserot. Alors pourquoi est-ce si important de ne pas avoir oublié ?
En fait, un oubli est signifiant.
On oublie lorsque l’on agit en mode automatique, sans penser. celui qui va manger et qui oublie de dire la bénédiction, alors qu’il a l’habitude de le faire, c’est qu’il mange bêtement.
La Torah ne veut pas que l’on agisse sans penser. Nous devons être maître de nos actes. Nous approchons de Roch Hachana et Kippour. Nous savons bien que nous devons nous repentir aussi des fautes non intentionnelles. L’homme est indéfiniment responsable. On ne peut pas dire je ne n’ai pas fait exprès, ou j’ai oublié ! Voilà pourquoi, celui qui fait le bi’our, précise : “Je n’ai pas oublié”.
L’oubli est aussi signifiant car on oublie ce qui ne nous intéresse pas, ce que l’on veut fuir.
Celui qui prélève le maasser et qui ne fait pas la bénédiction, c’est le signe qu’il n’a pas envie de donner, qu’il le fait le à contre coeur. Les prélèvements sont pour les Cohanim, les Leviimn, pour les pauvres, ou pour aller soi-même les consommer à Jerusalem. Mais donner, parfois cela fait mal. On peut le faire avec un pincement au coeur. Celui qui fait le bi’our est heureux de ne pas avoir oublié. Cela signifie, qu’il a donné en étant heureux, en louant D. Il a compris que thésauriser ne sert à rien. Il a compris que celui qui donne est plus riche. “Il est riche de ce qui ne s’achète pas” [presque une citation]. Il vit la Torah, Il est heureux d’accomplir l’ordre divin. Donc naturellement il ne peut pas oublier. La Torah est devenue Sa Torah, sa nature.
L’oubli est donc dans notre paracha connoté négativement. Mais parfois l’oubli est au contraire valorisé, comme l’a expliqué le Rav dans la dracha de vendredi soir dernier. Ainsi, la semaine dernière, la Torah nous a présenté l’obligation de laisser dans le champ le tas qui a été oublié. Cette mitswa ne peut-être réalisée que par celui qui a oublié. Le Rav a rapporté le Rav ‘Hano’h Erentroy (1854-1927) qui nous dit que cet oubli est le signe du for intérieur. L’homme veut tellement donner, qu’il en arrive à oublier un tas de blé dans son champ. Même si cela semble paradoxal, c’est la même idée qu’avec l’oubli de la bénédiction. Cet oubli reflète la volonté profonde de l’homme. Celui qui s’est imprégné du message de la Torah en viendra à oublier pour donner au pauvre (le tas dans le champ), et n’oubliera la bénédiction sur le maasser car il est heureux de donner.
Que D. fasse que nous puissions toujours donner, et que nous donnions !
Chabbat Chalom
KETIVA VA’HATIMA TOVA
Stéphane Haim COHEN
www.limud.net