METSORA 5782– chabbat hagadol

"Et ce sera la loi du Metsora…"
(VAYIQRA 14,2)


Dans le verset en entête, qui est le début de la PARACHA METSORA, volontairement, "Metsora" n'a pas été traduit car c'est la personne atteinte d’une maladie, que certains traduisent par "lèpre", mais qui est en fait une maladie inconnue de nos jours et qui a une cause spirituelle.

Ainsi, dans la guemara Ere’hine 15a, Rich Laqich explique le verset en entête. « Ce sera la loi du Metsora » = Motsi Ra’ = Celui qui fait sortir du mal… c’est la référence au Lachone Ara, la médisance. La tsaraat frappe l’auteur du Lachone Ara.

Un peu plus loin, guemara Ere’hine 16b, Rabbi Yeochoua ben Levi demande : Ma nichtana, pourquoi est-elle différente l’offrande apportée par le mestora, pour lequel la Torah a demandé 2 oiseaux ? Le metsora a gazouillé, piaillé, comme un oiseau (il a parlé à tort et à travers), et bien maintenant, il apporte une offrande faite de 2 oiseaux.

C’est encore une référence au Lachone Hara, la médisance. Le metsora = Motsi Ra’ = Celui qui fait sortir du mal.
L’homme utilise sa bouche à mauvais escient. Il fait sortir des méchancetés de sa bouche.
Pourquoi en vient-on à salir sa bouche par la médisance, les paroles blessantes, les insultes, ou un langage vulgaire ?

La paracha de la semaine nous le dit : Metsora = faire sortir le mal. Celui qui parle, c’est forcément qu’il y a du mal en lui, et il a besoin d’évacuer ce mal.
Pourquoi éprouve-t-on le besoin de médire, de dire du mal sur son prochain (même en ne disant que des vérités)?

C’est que l’autre me dérange. L’autre me force à me remettre en question. Et parfois, par confort, pour éviter de me remettre en question, je vais préférer botter en touche. C’est bien plus facile de médire, de critiquer l’absent, que de me regarder dans un miroir.

Seuls les fous insultent sans raisons. Celui qui insulte, ou  sur-réagit, a toujours une bonne raison de le faire. C’est l’autre qui s’est mal comporté. C’est l’autre qui a mal compris. Il faut donc lui expliquer. Mais pourquoi une telle personne en vient à salir sa bouche et son âme ? Parce que l’autre l’a dérangée. David a dérangé l’ego de Reuven, donc Reuven s’énerve, voire, prononce des mots qui ne disent pas. De 2 choses l’une :
soit David a dit vrai, et dans ce cas Reuven veut fuir et veut éviter de se remettre en question, il parle donc mal

Soit David est dans l’erreur, mais l’ego de Reuven est sur-dimensionné. Reuven, ne peut pas imaginer, vue la haute image qu’il a de lui, qu’on lui dise de telles inepties.
Pour tous ces travers liés aux paroles qui sortent de la bouche, le fauteur oublie une chose essentielle. Le fauteur fait en réalité sortir ce mal qui est en lui, et il entretient ce mal. En salissant sa bouche, conséquence du mal être intérieur, on fait grandir ce mal être.

Cette semaine, c'est Chabbat Hagadol, le chabbat qui précède Pessa'h. C’est aussi l’autre aspect de ce qui sort de la bouche. Pessa’h = Pé Sa’h = la bouche qui parle.

A Pessa’h, nous comprendrons, entre autres, l’importance de la parole. Nous raconterons la sortie d’Egypte, nous dirons les mitswot du soir : Pessa’h, Matsa, ou Maror. Nous raconterons aux enfants. Ces paroles échangées le soir du Seder contribueront à forger l’identité des générations à venir.
[les quelques lignes à venir ont dans une large mesure étaient envoyées en 5779]

La Hagada que nous lirons le soir de Pessa'h doit commencer par le gnay, l'aspect amer, dénigrant avant de passer au « chva'h » les bonnes choses.

Rav Yossef Dov Solovetchik rappelle la source de la guemara Pessa'him 116a.

Rav et Shmouel discutent sur ce que représente le « gnay ». Rav pense que c'est la référence au passage de la hagada : « Au début, nos ancêtres étaient des idolâtres ».
De son côté Shmouel pense que c'est « Nous étions les esclaves de Pharaon ».

« Au début, nos ancêtres étaient des idolâtres, et maintenant, D. nous a rapprochés de Son service ». Rav pense donc, qu'avant, nous vivions sans commandements divins, nous étions vides, c'est cela le sale aspect. Mais avec la sortie d'Egypte, où nous avons reçu les premiers commandements en tant que peuple, nous avons connu le salut.

Rav Yossef Dov Solovetchik rappelle que c'est dans le livre de Yeoushoua (24,2-4) que l'on trouve la référence, à Tera'h, le père d'Avraham, qui était idolâtre. Et c'est D. qui a pris Avraham de l'autre côté du fleuve.
Pourquoi Yeoshoua fait-il ce rappel au peuple ?

Tout simplement pour faire comprendre  que nous ne sommes pas sortis de la cuisse de Jupiter ! Dans l'antiquité, la fierté d'un peuple était sa naissance, fruit d'une union entre les hommes et une divinité.

Pour nous, c'est tout le contraire : à l'origine, nous étions idolâtres, nous avons commencé très bas. Et c'est D. qui est venu nous rapprocher, pour Le servir.
 

Si c'est le peuple juif qui a diffusé le monothéisme sur terre, c'est uniquement parce que D. nous a confié cette mission par bonté.
Rav Yossef Dov Solovetchik explique que notre Torah souligne l'importance de la reconnaissance que l'on doit avoir envers l'autre. Et bien la Hagada, commence par cette reconnaissance que l'on doit avoir envers D. Il faut

savoir dire merci, à son prochain, au Maître du monde. Quand je dis merci, je n'occupe plus toute la place. Je donne à l'autre la place qui lui revient. En disant merci à D. je m'éduque pour comprendre que je ne suis pas seul monde.

En réalité, je dois dire merci à D., uniquement parce que je dois dire merci à D., juste parce qu'il le faut, sans contrepartie. Dans les faits, on s'aperçoit que celui qui sait dire merci est beaucoup plus heureux ! La bouche qui dira merci, c’est le meilleur médicament ! C’est le secret du bonheur !

Chabbat Chalom
Stéphane Haim COHEN