"Ils se rassemblèrent contre Moshé et Aaron et leur dirent : c’est beaucoup pour vous, car toute l’assemblée, ils sont tous saints; et D. est parmi eux. Alors pourquoi vous élevez-vous au dessus de la communauté de D."
(Bamidbar 14,1)
La Paracha de la semaine expose la révolte de Qora'h et de ses acolytes. Qora'h revendique le poste de Cohen Gadol (Grand Prêtre). Il reproche à Moshé d'avoir injustement nommé Aaron, son frère, comme Cohen Gadol.
Ils se révoltent donc contre l'autorité de Moshé et par voie de conséquence contre D.
Ces révoltés finiront engloutis par la terre.
Rappelons que la Torah n’est pas un livre d’histoires. Si la Torah me raconte des évènements, c’est qu’ils me concernent. La Torah veut me faire comprendre que je ne dois pas devenir un Qora’h. La Torah veut de moi que je sois suffisamment clairvoyant pour éteindre le feu du petit Qora’h qui pourrait germer en moi.
Pour ce faire, il faut comprendre quels sont les ressorts de Qora’h. Pourquoi Qora’h qui a tout pour être heureux va-t-il tomber plus bas que terre ?
Qora’h était immensément riche. La guemara Pessa’him 119a nous raconte que Qora’h avait 300 mules blanches pour porter les clés de ses coffres à trésor. Qora’h était intelligent. Qora’h venait d’une bonne famille, de la
tribu des Lévi. Il avait tout pour être heureux… et pourtant, il va provoquer sa chute. Pourquoi ?
[Un proche m’a fait un cadeau exceptionnel. Il m’a donné le titre d’un livre que je me suis procuré. C’est un livre exceptionnel : “Découvrir un sens à sa vie, grâce à la logothérapie” de Viktor E. Frankl. Ce livre m’a poussé à réfléchir un peu plus sur Qora’h.]
La volonté de puissance
Qora’h en veut toujours plus, il a tout, mais il lui manque encore quelque chose. Alfred Adler a expliqué que l’homme a un besoin croissant de se valoriser. C’est cela qui le pousse toujours. Cela peut être positif, ainsi l’homme va créer, inventer, grandir. Mais cela peut être aussi négatif, si cette volonté de puissance (terme emprunté à Nietzsche) s’exprime au détriment des autres.
Pour Qora’h c’est maladif. C’est la névrose. Il est prêt à tout pour dépasser Aaron et Moshé et assouvir ses besoins de grandeur.
Alfred Adler explique que cette volonté de puissance est la compensation d’un sentiment d’infériorité. Le sujet se sent inférieur aux autres, alors il va se disputer avec eux, il va mal leur parler, il veut les écraser.
Dans le verset en entête, on a le symptôme qui est clair : “pourquoi vous élevez-vous au dessus de la communauté de D.”
Les révoltés font un complexe d’infériorité, alors ils vont exprimer cette volonté de puissance !
La recherche d’un sens
Viktor Frankl est un rescapé des camps. Son livre fait le lien entre son expérience des camps et sa théorie (la logothérapie). Il développe la nécessité pour l’humain de trouver un sens à ses actions et à sa vie. En l’absence de sens, c’est la chute, la dépression.
Qora’h a tout, mais il lui manque du sens. Il cherche le pourquoi. Le verset nous dit “pourquoi vous élevez-vous au dessus de la communauté de D.”
En cherchant un sens à sa vie, il va se persuader qu’il a une mission bien plus grande qui l’attend. Il doit devenir le Cohen Gadol. Il n’est pas le seul à chercher un sens à sa vie. 250 personnes ont apporté de l’encens pour concourir. Chacun y croit. Chacun est persuadé de devenir le Cohen Gadol.
Leur vie est tellement vide de sens qu’ils croient que le sens se trouve chez l’autre.
Si l’homme est persuadé que sa vie n’a pas de sens, et qu’il le cherche au mauvais endroit, alors c’est la dépression, la chute assurée, on termine englouti par la terre.
Le remède
Que l’on analyse le problème comme la volonté de puissance, ou comme la quête d’un sens, la Torah nous donne la solution.
Moshé a très bien compris le problème. Il veut faire comprendre à Qora’h qu’il peut exister, qu’il peut trouver un sens : “C’est peu pour vous que D. vous a séparé du peuple d’Israel, et vous a approché pour de Lui pour servir au Michkan ?” (Bamidbar 16,9).
Moshé veut expliquer aux révoltés que chacun est unique. Chaque homme a sa mission. Chaque homme peut trouver un sens qui est propre à sa vie, sans aller le chercher chez l’autre. On n’a pas à faire de complexe d’infériorité. Chacun a son domaine dans lequel il peut s’épanouir. Pas besoin d’écraser l’autre pour exister.
Chaque homme a une existence conditionnée par sa naissance (les gènes) et son environnement. Mais à l’intérieur de ces intervalles, il est libre de donner un sens à vie. Chaque homme est unique. L’homme a été créé à l’image de D. UN.
En cherchant, tout au long de sa vie, le sens de sa vie, l’homme va comprendre qu’il est unique. C’est ainsi que progressivement, il se rapprochera du D. UN. L’homme a un potentiel exceptionnel (infini ?) à lui de trouver comment et où le réaliser. C’est cela trouver un sens. La suite logique c’est le bonheur : celui qui a un pourquoi peut vivre avec n’importe quel comment (Nietzsche).
CHABBAT CHALOM
Stéphane Haim COHEN
www.limud.net