“« Parle aux enfants d'Israel qu'ils prennent pour Moi un prélèvement [=Terouma] de tout homme que son cœur rendra généreux. Vous prendrez Mon prélèvement.»
(CHEMOT 25,2)
La paracha de la semaine est consacrée à l’explication de la construction du Michkan (= Temple démontable utilisé dans le désert) et à celle des ustensiles qui y étaient utilisés (l’Arche, la Ménora, la Table …). La paracha commence par exposer le financement de cette construction.
Le Michkan, puis le Beit Hamiqdach, c’est le lieu que nous devons construire, pour “accueillir la Présence Divine” sur terre.
Pour financer la construction du Michkan, les Bné Israel doivent donner. Mais la Torah ne dit pas de donner … elle dit “Qu’ils prennent pour Moi”. Pourquoi remplacer le verbe donner par le verbe prendre ?
Le premier Rashi de la paracha est simple à traduire :
« Qu’ils prennent pour Moi = Pour Moi, pour Mon Nom ». La Torah dit « pour Moi » et Rashi explique le « pour Moi » en disant « pour Moi pour Mon nom » ! Que veut nous dire Rashi ?
J’espère, comme d’habitude, que je ne dirai pas de bêtises !
Donner est une action qui relie 2 individus. A donne à B. A possède quelque chose, il en transfère la propriété à B. Mais le don est toujours réciproque. NoTeNe = donne peut se lire dans les 2 sens. Quand A donne à B, A sait très bien qu’il sera payé en retour. La Torah nous montre ici l’archétype du don.
D’abord, il faut comprendre que l’on ne possède rien sur cette terre. Tout appartient à D., nous avons uniquement un droit d’utilisation. Le mot donner à D. serait donc inadapté. Il faut pRENDRE, c’est bien plus juste, ou même simplement rendre.
Donner n’est pas adapté ici car, comme le souligne Rashi, il faut prendre pour Son Nom. En clair, il ne faut rien attendre en retour. Le vrai don, c’est celui que l’on fait sans rien attendre en retour. Le vrai don, n’est pas un don puisque l’on se défait d’un bien dont j’ai conscience qu’il ne m’appartient pas. Donner fait mal lorsque je suis attaché au bien. Mais si on me demande de PRENDRE, c’est pour prendre conscience que le bien, même avant que je le donne, ne m’appartient pas. Je ne suis qu’un dépositaire. Je rends, et je ne dois rien attendre en retour. C’est le don optimal.
Selon Rashi, quand on prend pour construire le Michkan, il faut donc avoir une pensée positive. Prendre et donner, pour financer le Michkan ne suffit pas. Il faut aussi penser que c’est pour le Nom de D. que l’on apporte sa participation.
Pour la plupart des commandements de la Torah, on ne me demande pas de penser que j’agis pour le Nom de D. Quand je remue le Loulav, on ne me précise pas de penser que c’est pour D.
Rares sont les commandements où la pensée intervient. La plupart du temps, l'action accomplie est le signe que j'accomplis la mitswa. Il n’est pas indispensable d’accompagner l’action par une pensée.
Il existe certains commandements pour lesquels la pensée est une condition sine qua non. Lire le passage de Za’hor en mode automatique ne suffit pas pour accomplir la mitswa de se souvenir de Amaleq. De même, lire le Chema en mode machine ne suffit pas pour accomplir le commandement d’accepter le joug divin. Il faut penser en plus. L’essentiel d’ailleurs pour ces mitswots c’est la pensée, l’intention que j’ai.
La mitswa de l’Afikomane, le dernier morceau de matsa que l’on mange à la fin du Seder, est aussi dépendante de la pensée. On aurait pu croire que manger suffit, et bien non ! Il faut dire et penser que cette matsa est un souvenir du sacrifice de Pessa’h, qui se mangeait une fois que l’on n’avait plus faim. Il fallait que l’on puisse terminer la soirée en gardant le goût de l’agneau pascal dans la bouche. L’Afikomane a été institué pour se rappeler de cette caractéristique de l’agneau pascal. La pensée est donc quasiment indispensable dans l’accomplissement de la mitswa.
Pour donner, on aurait pu croire que l’acte suffit. La pensée n’est pas essentielle. Et bien non ! La Torah me dit qu’il faut prendre pour le nom de D. ! Peut-être que donner est tellement essentiel pour la réussite de notre vie sur terre, que l’on veut m’apprendre la meilleure façon de donner… donner pour Son Nom, alors que D. n’a besoin de rien.
Mais peut-être aussi que l’acte n’est pas suffisant car facilement le don peut être travesti, et servir mes propres intérêts.
Chabbat Chalom.
Stéphane Haim COHEN
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