Vayechev 5783 - C'est du beau !

“... Et Yossef était de belle prestance et beau à voir [Yéfé tohar vifé mareé]”
 (BERECHIT 39,6)

La paracha de la semaine nous rapporte la vente de Yossef par ses frères. Ces derniers étaient convaincus d’être dans le vrai. Ils avaient jugé Yossef, et l’avaient condamné.
C’est à cause de la vente de Yossef par ses frères, que la famille de Yaaqov s’installera 20 ans plus tard en Egypte.
Yossef commence sa vie en Egypte en tant qu'esclave, Putifar l’achète en Egypte. Yossef deviendra son intendant. Chez Putifar, la paracha prend le temps de nous dire que Yossef est beau (verset en entête). La paracha se termine alors que Yossef est en prison, suite à la dénonciation calomnieuses de la femme de Putifar.

Juste après le verset sur les attributs physiques de Yossef, c’est l’épisode de la femme de Putifar, qui va tenter de le débaucher. Rashi sur le verset en entête nous explique que Yossef était beau et surtout s’est vu beau. Il se bouclait les cheveux nous dit Rashi.

Rashi enchaîne en nous disant que pendant que son père se lamentait, Yossef se faisait les cheveux… d’où la punition, Yossef va à nouveau chuter.

Mais quel mal y-a-t-il à être beau ? Ne peut-on pas être beau, riche, intelligent ET Tsadiq ?

A la page 50b de la guemara Nedarim, qui a été étudiée cette semaine dans le cadre du Daf Hayomi, on rapporte une histoire.
La fille de César a dit à Rabbi Yehochoua Ben ‘Hanania. Comment une si belle Torah se trouve-t-elle dans un réceptacle aussi horrible ? En clair, elle questionna : comment un homme aussi laid que toi peut-il être un réceptacle pour la Torah ?
Rabbi Yehochoua Ben ‘Hanania répondit : apprends de ton père, dans quels ustensiles garde-t-on le vin ? Dans des pots d’argiles, répondit-elle.
Comment, enchaîne Rabbi Yehochoua Ben ‘Hanania, tout le monde garde son vin dans des jarres en argile, et vous aussi, chez César, vous faîtes la même chose ? Allez mettre votre vin dans des récipients en argent et en or !
La fille de César fit ainsi et conserva le vin dans des récipients dignes de César…. et le vin devint vinaigre !

Rabbi Yehochoua Ben ‘Hanania lui dit : la Torah c’est la même chose, pour la garder il faut des réceptacles laids ! Pourtant, rétorqua-t-elle, il y a des gens beaux qui sont aussi chargés en Torah !

Rabbi Yehochoua Ben ‘Hanania clôt la discussion : si ces belles personnes n’étaient pas belles, elles auraient encore plus de Torah !

De cette histoire, on n’a pas une belle image de la beauté !

La même histoire est rapportée aussi dans la guemara Taanit 7a et b. Rashi, en haut de la page 7b explique qu’il est impossible pour une personne belle de s’abaisser, de s'aplatir, condition sine qua non pour acquérir la Torah. Pour apprendre, il faut être modeste, et celui qui est beau a souvent tendance à vouloir faire le beau, l’orgueil et la Torah sont incompatibles.

Le Maharcha explique que la sagesse en Torah n’est pas liée à la beauté du sujet, mais plutôt à sa façon de considérer la beauté. Un homme beau, qui ne donne pas d’importance à sa beauté, pourra devenir un grand en Torah !

C’est probablement ce que veut nous dire Rashi sur le verset en entête. Yossef se regarde, se fait les cheveux, il donne de l’importance à la beauté. Il donne de l’importance à ce qui est superficiel … il tombera donc sur la femme de Putifar… Mesure pour mesure, il s’est intéressé à des choses superficielles, une femme superficielle tentera de jeter son dévolu sur lui !

Etre beau n’est pas un crime, mais valoriser la beauté, la superficialité, ne mène à rien de beau !

Le lien avec ‘Hanouka est vite fait. Les grecs valorisent le beau, l’esthétisme. Ils ont voulu nous inculquer leurs valeurs… et si on place le beau au-dessus de tout… plus de Torah !

Mais alors, pourquoi et pour quoi le beau existe-t-il ? Si c’est juste un piège, cea ne devrait pas exister ! En fait, le beau ressemble à beaucoup d’autres idoles… Si le beau est une fin en soi, si le beau est le but, c’est une idôle, qui détourne de la Torah. Comme l’argent, si l’argent est la valeur suprême, cela devient une avoda zara, une sorte d’idolâtrie. Si l’argent est bien utilisé, cela sert à grandir en mitswot et en Torah.

Le beau doit être un moyen de se rapprocher de D.

Le beau, c’est l’harmonie, le UN. Le beau doit pouvoir m’aider à appréhender le Divin.

Chabbat Chalom.
Stéphane Haim COHEN