Vayichla’h 5783

“Il appela son nom Israel”
 (BERECHIT 35,10)


Au début de la Paracha Vayichla’h, Yaaqov se prépare à retrouver son frère Esaw. Rappelons la façon dont ils s’étaient séparés dans la paracha Toledot : Esaw voulait tuer son frère Yaaqov suite à l’épisode de la bénédiction d’Isaac.
Yaaqov se prépare triplement à cette rencontre périlleuse :

  • Il se prépare à l’affrontement armé, en séparant sa famille en 2 camps. Si l’un des deux devaient être frappés, l’autre serait sauvé.
  • Il prie D. de l’aider en disant, en autre, « Sauve-moi de la main de mon frère de la main d’Esaw ».
  •  Il prépare des cadeaux pour amadouer son frère (il veut négocier !).

Avant de rencontrer son frère, Yaaqov va affronter l’ange d’Esaw. Yaaqov, va le vaincre. Yaaqov lui demande une bénédiction. L’ange lui dit : “on ne t’appellera plus Yaaqov mais Israel”.

A la fin de la paracha, c’est D. qui nomme Yaaqov, Israel. “On ne t’appellera plus Yaaqov, mais Israel sera ton nom, Il appela son nom Yaaqov” (Berechit 35,10).

Le Meche’h ‘ho’hma s’intéresse à la répétition dans ce verset. Pourquoi le verset termine par “Il appela son nom Israel” ? Lorsque D. a changé le nom d’Avram en Avraham, il n’y avait pas eu cette répétition (Berechit 17,5).

Le Meche’h ‘ho’hma explique que la Torah précise que D. appela son nom Yaaqov pour une bonne raison. Après ce changement de nom, D. continuera à appeler aussi Yaaqov par son nom originel. Lorsque D. s’adresse à Yaaqov en tant qu’individu, il le nomme Yaaqov. Lorsque D. s’adresse à Yaaqov, le père de la Nation, Il l’appellera Israel.

C’est pourquoi, dans notre paracha, on ajoute  “Il appela son nom Israel”.
D. a donc validé le changement de nom “proposé” par l’ange d’Esaw.


J’en profite pour rapporter un commentaire que j’avais déjà envoyé il y a 2 ans, sur l’interprétation de la lutte de Yaaqov avec l’ange.
Rav Yonathan Zacks ose une façon originale de considérer le combat de Yaaqov.

La Torah nous raconte qu’à sa naissance Yaaqov tenait le talon de Esaw. Plus tard, il lui a acheté le droit d’aînesse. Puis il s'accaparera de la bénédiction destinée à Esaw.
Yaaqov est l’enfant qui a voulu être Esaw. Pourquoi ? Parce que Esaw, c’est le grand frère. Esaw est fort. C’est le chasseur. C’est le fils préféré de Yits’haq.

Yaaqov représente donc l’archétype de ce que nous décrit l’anthropologue René Girard : le désir mimétique. Nous voulons ce que l’autre veut, tout simplement parce que nous voulons être l’autre.
Les tensions, la compétition, entre Yaaqov et Esaw viennent de là. Tout le temps que Yaaqov a voulu être Esaw, leur vie a été un enfer. Esaw se sentait floué. Yaaqov vivait dans la peur.

Cette nuit où Yaaqov se trouve face à l’homme pour combattre, Rav Zacks nous dit que c’est face à lui même que Yaaqov a combattu. Il a réussi à anéantir son désir d’être Esaw. Désormais, Yaaqov continuera sa vie en étant lui-même. Celui qui veut vivre heureux, entier, doit forcément passer par là : il faut être soi même. Il ne sert à rien de vouloir être quelqu'un d’autre. Celui qui refuse d’être lui-même verra sa vie jalonnée de conflits en tout genre.

Dans notre paracha, après le combat avec “l’homme”, les compteurs sont remis à zéro. Yaaqov avait pris la bénédiction sur les biens matériels. Et bien c’est lui maintenant qui va remettre à Esaw d’importants cadeaux.
Selon la bénédiction reçue de Yits’haq, c’est Yaaqov qui devait voir son frère se prosterner devant lui. Maintenant, c’est Yaaqov qui se prosterne devant Esaw.

Le Rav Zacks termine en nous donnant la grande leçon de ce passage : “Connais-toi toi-même". Si nous voulons tenter de nous rapprocher de D. il convient d’abord de faire UN avec soi-même. Et pour faire Un avec soi-même, il faut essayer de se connaître.

Chabbat Chalom.
Stéphane Haim COHEN
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