Vayigach 5783 - Le début de l’exil

“Ils prirent leurs troupeaux, leurs biens qu’ils avaient acquis dans le pays de Canaan et ils arrivèrent en Egypte, Yaaqov et toute sa descendance avec lui.”
 (BERECHIT 46,6),

La paracha de la semaine nous raconte le dévoilement de Yossef devant ses frères.
C'est dans cette paracha que les masques tombent. Les frères de Yossef étaient persuadés d'être dans le vrai. Ils s'étaient débarrassés de Yossef, et ils étaient sûrs d'avoir raison ! Ils en étaient tellement persuadés qu'ils ne pouvaient pas reconnaître leur frère qui était devant eux. Cela prouve vraiment qu'il est terriblement difficile de prendre du recul et d'analyser son comportement.

Après son dévoilement, Yossef demande à ses frères de ramener toute la famille en Egypte. Yaaqov et tous les siens descendront donc en Egypte.

C’est le premier exil. Notre peuple en connaîtra des exils ! Etrangers dans des terres qui ne sont pas les nôtres… c’est quelque chose que l’on connaît.

Cette semaine, au détour d’un cours, le Rav a cité le Meche’h ‘Ho’hma, Rabbi Meir Simha Hacohen de Dvinsk (1843-1926), et son commentaire où il traite de ceux qui prennent Berlin pour Jerusalem. Cela tombe bien, car chabbat dernier, grâce à une invitée particulièrement brillante, venue d’un séminaire du nord de l’Angleterre, nous avons échangé sur le fait d’habiter en Israel ou en dehors d’Israel.

Le Meche’h ‘Ho’hma sur la paracha Be’houqotay, nous parle de l’exil du peuple juif… ou plutôt des exils. Il nous explique que D. a mis en place un plan pour que notre peuple ne s’assimile pas, ne fonde pas dans d’autres peuples. Les grands de notre peuple ont eu conscience du problème. Ils ont aussi agi pour que notre peuple ne soit pas englouti dans les flots de l’assimilation.

Le Meche’h ‘Ho’hma explique que le premier qui a été conscient du problème, c’est Yaaqov, notre père. D’ailleurs, le verset en entête introduit le premier exil, la descente en Egypte. Yaaqov savait bien que 70 personnes face au puissant peuple Eygptien, c’est une goutte d’eau dans la mer. Il a donc tout fait, avec Yossef, pour protéger le peuple naissant. Il a demandé que ses enfants gardent leur façon de s’habiller, et qu’ils gardent leurs noms. Les vêtements, les noms ont protégé les enfants d’Israel de la disparition. Yossef aussi les a installé dans les bné Israel dans une région spécifique, le pays de Gochène. C’est aussi un élément qui a permis d’empêcher que les Bné Israel se diluent dans le peuple Egyptien.

Le Meche’h ‘Ho’hma explique aussi que Yaaqov a insisté pour ne pas être enterré en Egypte. Il a montré ainsi à ses enfants que l’Egypte n’est qu’une étape. Il faut garder l’espoir de retourner en Terre Promise.
[Les noms, les habits, l’endroit de la sépulture…. cela rappelle la campagne présidentielle en France… ce sont les clés de l’assimilation.]
Le Meche’h ‘Ho’hma explique que les grands de la nation comme Ezra et la grande assemblée ont continué dans le même sens. Ils ont institué de nouvelles barrières afin que le peuple considère qu’il est invité et étranger dans une terre qui n’est pas la sienne.

Qui aurait cru, nous dit le Meche’h ‘Ho’hma, qu’un peuple faible, peu nombreux, malmené, souvent détesté, souvent persécuté, puisse survivre ?
Il nous dit que nous vivons des cycles de 100 ou 200 ans… et puis nous sommes jetés, et reprenons la route de l’exil. Et alors, nous arrivons, dans un pays où nous sommes vraiment étrangers. Forcément, à ce moment, le malheur nous unit. Nous reformons un peuple. La conséquence c’est que nous grandissons aussi en Torah.
Mais la génération d’après commence à se sentir trop bien dans cet  exil. Naturellement la nouvelle génération va s’opposer aux anciens. Elle va créer “une nouvelle Torah”. L’homme a besoin d’innover, de changer, c’est sa nature. Alors comme les anciens, les premiers migrants ont retrouvé la Torah, les nouveaux vont la rejeter, et tenter de ressembler à l’autochtone. Ils vont prendre Berlin pour Jerusalem, nous dit le Meche’h ‘Ho’hma… Alors le vent de la tempête soufflera à nouveau… c’est le déracinement. Nous sommes jetés d’un pays, et arrivons dans une nouvelle terre d’accueil, pour tenter de revenir à nos valeurs.

Ces cycles sont des étapes, qui maintiennent le peuple et la nation en vie. Le but ultime est de nous corriger et de ne pas oublier que la Terre d’Israel est l’étape finale. Le Meche’h ‘Ho’hma explique que sur la Terre de nos ancêtres, le désir naturel de changer, de s’opposer aux anciens est canalisé. Le grand tribunal peut innover, réformer, en restant dans le cadre de la Torah (ce qui n’est pas permis en dehors d’Israel).

En résumé [j’espère que je ne trahis pas le Meche’h ‘Ho’hma], les exils sont des moyens de grandir, et la multiplication des exils, les cycles, sont paradoxalement ce qui a permis de faire perdurer le peuple juif. La Torah veut que nous gardions en tête la destination finale, la Terre Promise, la Terre d’Israel. Mais, précisons, si nous nous comportons en Israel comme pendant l’exil, nous risquons gros. Il faut utiliser la chance de pouvoir vivre en Israel pour créer un environnement de Torah : un environnement où l’on respecte l’autre et où l’on tente de se rapprocher de D.

Chabbat Chalom.
Stéphane Haim COHEN
www.limud.net