Vayiqra 5783 - La Mitswa pour quoi ?

«Parle aux enfants d’Israel, et dis leur : un homme qui apportera de parmi vous une offrande pour D., ….»
(Vayiqra 1,2)

Nous commençons cette semaine, le troisième livre de la Torah, le livre de Vayiqra, appelé "Le Lévitique", car il a pour thème principal le service de D. (au Temple ou dans le Michkan ) qui était effectué par la tribu des Lévi. Cette tribu inclut les Léviim mais aussi les Cohanim.

La première paracha du Lévitique, Vayiqra, est quant à elle consacrée aux offrandes/sacrifices. En effet, il n’y a pas de mots en français pour traduire le concept de « korbane ».
Dans le désert avec le Michkan, puis plus tard avec le Temple, on apportait des offrandes.

Mais, pourquoi les offrandes à D. ont-elles une place si importante dans la Torah ? De plus, de nos jours, par nos fautes, nous n’avons plus de Temple, ces lois sont donc inapplicables. Alors que faut-il en faire ?
Nos maîtres nous enjoignent d’étudier les sacrifices… “Etudie, et récolte la récompense !” Mais quelle est cette fabuleuse récompense que l’on peut récolter en étudiant les lois des sacrifices ?

Pour répondre à cette question intéressons-nous au pourquoi des sacrifices ?

Peut-on croire que D. ait faim pour qu’on Lui apporte de la nourriture ?
Peut-on croire que D. deviendrait clément parce que j’égorge un agneau ? Pourrait-on imaginer que D. est en colère, et qu’Il veut punir un individu, ou groupe… mais soudainement, on Lui apporte une offrande, et la colère divine disparaît ?
Peut-on croire que je vais changer D., parce que je Lui apporte une offrande ?
Il est donc évident qu’en offrant des céréales, ou des animaux au Temple, on ne change pas le Créateur. Par conséquent, penser que l’on apporte une offrande pour changer les Cieux est une aberration.

Alors peut-être que si j’apporte une offrande, c’est pour me grandir. Je ne parle que de celui qui apporte des offrandes pour faire le beau. Celui qui offre des sacrifices pour se montrer, ne sert pas D., il sert son orgueil.
Alors on pourrait trouver une autre explication du sacrifice : soulager la conscience du fauteur. Imaginons, un individu qui a fauté, et qui le regrette sincèrement. Apporter une offrande serait la dernière étape qui permettra de libérer complètement le fauteur. Le fauteur se sentira mieux. Et bien un tel sacrifice est encore vicié ! Si le fauteur apporte l’offrande pour se soulager, il se sert. Il utilise le commandement à son profit.

Ce que l’on doit apprendre des sacrifices, c’est qu’ils sont inutiles. On ne doit pas les apporter en espérant un résultat quelconque. On doit les apporter uniquement parce que c’est un commandement divin. C’est cela la vraie façon d’accomplir la mitswa des sacrifices.
Et ce que l’on apprend ici est fabuleux, si nous réussissons à le transposer aux autres commandements divins… C’est celà “Etudie, et récolte la récompense” ! Il faut appliquer la mitswa pour la mitswa.

Le Rav, cette semaine nous a parlé de la mitswa de manger la matsa.

Pour quoi mange-t-on la matsa le soir du seder ?

C’est mieux d’avoir faim pour manger la matsa, et faire la mitswa avec le cœur joyeux. Mais si je mange la matsa parce que j'ai faim, c’est mon estomac que je sers… Ce n’est pas un service divin.
Je peux aussi manger la matsa en pensant que c’est une nourriture magique qui me permettra d’accéder à des connaissances, ou à des merveilles… Là encore, c’est moi que je sers.
Je peux manger la matsa, en pensant que je vais intervenir sur les mondes d’en haut, et changer le destin du monde … Là encore, c’est moi que je sers. Je ne sers pas D.
Je peux aussi penser manger la matsa pour gagner ma place dans le monde futur… mais là encore, je m’égare. Est-ce D. que je recherche, ou est-ce mon intérêt que je recherche ?

La vraie façon de manger la matsa, c’est de savoir que je mange la matsa, parce que c’est la mitswa. C’est tout.

Plus généralement, chaque fois que je fais une mitswa pour moi, ou pour un but quelconque, je m’approche du service étranger… la avoda zara. Je ne sers pas D., mais mes propres intérêts.

Ce judaïsme est très exigeant… et n’est pas fait pour tous.

Certains trouveront la Loi, si contraignante, qu’ils feront leur propre loi. Ceux qui veulent changer la loi, n’ont pas compris qu’ils travestissent l’esprit du judaïsme. Si je change la loi, pour qu’elle me soit plus facile, alors je ne sers plus D., mais je me sers moi-même.

Sans aller jusqu’à réformer le judaïsme, celui qui fait un tri dans les lois à appliquer ne sert pas D.

Servir D., c’est servir D. pour D. C’est accomplir la mitswa pour accomplir la mitswa. Ce n’est pas moi qui fixe la loi. J’accepte d’appliquer la loi. Je fais ce qui est juste et vrai, et pas ce qui est facile ou agréable !

Le Rav a rapporté une question du Iglé Tal, Rabbi Avraham Bornstein (1838 - 1910) [Trotsky, né Bornstein est-il de sa famille ?], le fondateur de la ‘Hassidoute de Sokhatchov.

Si je suis joyeux en étudiant la Torah, qui est-ce que je sers ? Moi-même ? ou mon Créateur ? Si étudier la Torah me rend heureux, alors peut-être que je ne le fais plus pour D., mais pour moi-même ?
Le Iglé Tal répond que l’étude de la Torah est une mitswa très spéciale. Etre heureux d’étudier la Torah, ce n’est pas étudier pour soi ! Trouver la joie dans l'étude de la Torah, c’est la mitswa elle-même.

La joie personnelle dans l’étude de la Torah, n’est pas un but étranger. C’est le summum de l’étude. La Torah me demande d’être joyeux dans l’étude. Bien évidemment, c’est en forgeant, que l’on devient forgeron… et cette joie de l’étude, viendra après avoir longtemps étudié !

Chabbat Chalom.
Stéphane Haim COHEN
www.limud.net