Yitro 5783 - La Foi

“Je suis l’Eternel ton D. qui t’as fait sortir d’Egypte”
 (Chemot 20,2)

Cette semaine nous vivons le but de la sortie d’Egypte, le Don de la Torah.
C'est dans la paracha Yitro que tout le peuple va atteindre le niveau de prophète, à tel point que chacun pourra percevoir le message divin.
La paracha nous décrit le don de la Torah. La paracha nous décrit les éclairs, le tonnerre, le monde entier qui tremble parce que la Torah est donnée.

Dans cette paracha, nous allons lire les 10 paroles (les 10 commandements)... Ces 10 paroles sont gravées sur les Tables de la Loi.

La première des 10 paroles, c’est le verset en entête. “Je suis l’Eternel ton D. qui t’as fait sortir d’Egypte”  (Chemot 20,2).
On parle de 10 commandements, mais cette première parole est-elle vraiment un commandement ?

 

Quand la Torah me dit “ Tu n’auras d’autres dieux que Moi”, ou “Souviens toi du jour du chabbat pour le sanctifier”, ou même “Honore ton père et ta mère”, nous comprenons bien que nous avons affaire avec des commandements divins, des mitswot. En revanche, quand on me dit “Je suis l’Eternel ton D. qui t’as fait sortir d’Egypte”, où est le commandement ?

Le Rav Yst’haq Hutner nous éclaire sur ce sujet dans le Pa’had sur Pessa’h Maamar 42, que nous a rapporté le Rav cette semaine. Pour en savoir plus sur ce géant :  https://en.wikipedia.org/wiki/Yitzchak_Hutner. Vous trouverez même sur ce lien le récit rapide de l’épisode où il a été pris en otage dans l’avion TWA du 6 septembre 1970).

Le Rav Yst’haq Hutner rapporte que certains pensent que le premier commandement n’est pas une mitswa, ce n’est pas commandement. Le Baal Hala’hot Gedolot (dont l’auteur date de l’époque des Guéonim) pense que “Je suis l’Eternel ton D. qui t’as fait sortir d’Egypte” est en fait un préalable aux mitswot. “Je suis l’Eternel ton D. qui t’as fait sortir d’Egypte” n’est donc pas compté dans les 613 mitswot selon lui.

Le Rav Yst’haq Hutner explique que pour qu’il y ait commandement “Mitswa”, il faut d’abord reconnaître Celui qui ordonne le MeTSaVe.

La Foi précède la mitswa. On ne peut  pas me forcer à croire. C’est je crois ou je ne crois pas. “C’est celui qui croyait au Ciel et celui qui n’y croyait pas” [même si tous deux adoraient la belle, prisonnière des soldats].

Une fois que je crois, une fois que j’ai la foi, alors on peut me commander, on peut me donner des mitswots.

Le Rav Yst’haq Hutner fait la comparaison avec l’esclave, le premier travail qu’il fait pour son maître le fait passer du statut d’homme libre au statut d’esclave. Après cet acte de soumission, il devient l’obligé de son maître. Son premier travail ne ressemble pas dans son essence au travail qu’il fera le lendemain, même si dans les faits, l’esclave réalise les mêmes actions.

Pour ce préalable de la foi, nous comprenons donc que le verset fasse référence à la sortie d’Egypte : “Je suis l’Eternel ton D. qui t’as fait sortir d’Egypte”. Le Rav Yst’haq Hutner nous dit que de la même façon que la foi nous fait passer au statut de serviteur de D., la sortie d’Egypte nous a fait passer du statut de serviteur de Pharaon au statut de serviteur de D. D’ailleurs, les premières mitswot accomplies par les Bné Israel en Egypte (l’agneau pascal) ont un statut spécial. Elles sont qualifiées de Avoda. Ce ne sont pas des mitswot traditionnelles. Ce service de l’Egypte était en fait un préalable pour devenir le peuple de D.
Nous comprenons donc bien pourquoi  “Je suis l’Eternel ton D. qui t’as fait sortir d’Egypte” ne peut pas être compté comme une mitswa.

Pourtant, le Rambam compte  “Je suis l’Eternel ton D. qui t’as fait sortir d’Egypte” comme une mitswa. Le Rav Yst’haq Hutner dit que le Rambam ne peut pas être en désaccord avec ses illustres prédécesseurs. La Foi est un préalable et non un commandement. Le Rav Yst’haq Hutner explique donc pour le Rambam que D. veut que nous croyions au Ciel. C’est pour cela qu’il inclut la Foi dans un commandement divin, même si c’est un préalable.

On pourrait, néanmoins, comprendre d’une autre façon la position du Rambam. Inclure la foi, le  “Je suis l’Eternel ton D. qui t’as fait sortir d’Egypte” au nombre des mitswot, m’éclaire peut être sur la nature profonde de toutes les mitswots. Comme me l’a expliqué un ami cette semaine, selon le Rambam, chaque mitswa est un acte de foi. J’accomplis la mitswa en tant que commandement qui ne dépend pas de moi. Ce n’est pas moi qui fixe la loi. La Loi existe indépendamment de moi. Ce n’est pas moi qui fixe la loi.


C’est facile de ramener la loi vers moi. C’est facile de laisser son Moi décider ce qu’est la mitswa. Les petits arrangements sont faciles, et pratiques. Considérer que la loi est extérieure à moi, est bien plus exigeant. Mais c’est cela la foi, c’est cela croire en D.

Chabbat Chalom.
Stéphane Haim COHEN
www.limud.net