Toledot 5786

 « Ce sont les descendants de Yits’haq fils d’Avraham, Avraham engendra Yits’haq »
(Berechit 25,19)

La paracha Toledot nous raconte une partie de la vie de Isaac et de sa femme Rivka. Au début de la paracha, Rivka met au monde des jumeaux : Esaw et Yaaqov. Ces derniers sont complètement différents : Esaw est un chasseur, un guerrier ; Yaaqov est un homme de Torah.

Dans cette paracha, Yaaqov achète le droit d’aînesse qu’Esaw dédaigne et méprise. A la fin de Toledot, grâce à la clairvoyance de Rivka, Yaaqov obtient toutes les bénédictions de son père Yts’haq, la bénédiction sur l’aspect matériel, puis celle du spirituel.


J’ai imaginé la suite du dialogue père-fille de la semaine dernière sur certains passages de la paracha.


La fille : Dis moi Papa, comment se fait-il que Yits’haq et Rivka vont avoir des enfants si différents? Un juste et un méchant ?

Le père : Tout d’abord, ma fille, j’espère que je ne vais pas te raconter de bêtises. Je vais tenter de te donner des pistes pour répondre, mais peut-être que je me trompe,... alors discutons !
Tout d’abord, tu sais très bien que “tout vient du Ciel, sauf la crainte du Ciel”. L’homme est libre. Deux personnes peuvent avoir les outils, les mêmes prédispositions, et pourtant, l’un pourra devenir juste, et l’autre mécréant.

La fille : Mais, là c’est un peu fort. Esaw et Yaaqov, ont les mêmes parents !

Le père : Effectivement, ils ont les mêmes parents, ils ont probablement reçu la même éducation. Ils ont le même âge. Parfois dans une famille, les parents ne se comportent pas de la même façon avec tous les enfants. L’aîné, on l’admire, on lui donne des responsabilités, on est exigeant avec lui. Le petit dernier, les parents sont plus âgés, ils lâchent du lest. Alors c’est sûr que de tels enfants n’ont pas reçu la même éducation. Mais dans le cas de Yaaqov et Esaw, ils ont le même âge. Les parents leur ont probablement donné la même éducation.
Et si on veut me dire que les astres ont une influence sur les traits de caractères, la Torah nous présente ici 2 jumeaux. Ils sont nés le même jour, au même lieu, quasiment à la même heure.


La fille : Alors, ils ont les mêmes parents, la même éducation, et ils sont si différents.

Le père : Et physiquement, ils ne sont pas différents ? Esaw est roux et poilu. Yaaqov n’est pas roux !

La fille : Physiquement, c’est une histoire de gènes, c’est connu, 

Le père : Sache que je suis persuadé que l’homme est LIBRE. Mais, même s’il n’y a pas forcément de preuve scientifique, je suis convaincu que de la même façon que les traits physiques se transmettent par les gènes, et bien les traits de caractère peuvent être héréditaires dans une certaine mesure. En gros on a un bagage, des prédispositions de naissance, et pas seulement environnementales. Le travail de l’homme sera d’utiliser au mieux ses prédispositions de naissance, et ses acquis pour devenir un juste.

La fille : Paroles, ce ne sont que des paroles… 

Le père : Effectivement, je n’ai pas de preuves scientifiques. Mais je vais tenter de t’expliquer ce qu’écrit le Kli Yakar sur le premier verset de la paracha.
Pourquoi tant de répétitions : 
 « Ce sont les descendants de Yits’haq fils d’Avraham, Avraham engendra Yits’haq » (Berechit 25,19)

Il y a deux façons de nommer la progéniture : le fils [ben] et le descendant [Toleda, qui dérive du mot Holid, engendrer].
Yits’haq a les 2 qualificatifs. Il est le fils d’Avraham. Et Avraham a engendré Yits’haq.

Quand la Torah parle de Ychmael, on le qualifie de fils d’Avraham, mais on précise Ychmael que Agar l’Egyptienne a enfanté [Yaleda, même racine que Holid].

Le Kli Yakar explique que Ben fait référence au fils spirituel. Un maître a des enfants spirituels “banim”. Le père physique qui engendre un enfant lui transmet une nature, nous dit le Kli Yakar. Le père spirituel transmet des valeurs, des comportements, que le fils spirituel pourra intégrer, mais qui seront altérés par sa personnalité.
Le père physique transmet une nature profonde, que l’on peut évidemment  changer, même si c’est difficile. Le père spirituel transmet des éléments qui viennent de l’extérieur, et qui pourront rester que superficiels pour celui qui les reçoit. 
Ainsi Ychmael a reçu sa nature profonde de Agar, avec les défauts (la dépravation) des Egyptiens. Et son éducation il l’a reçue de Avraham.

Au début de la paracha, la Torah nous dit que Yits’haq a tout pris d’Avraham : il a pris sa nature profonde (Holid), et il a pris ses valeurs par l’éducation (Ben).

La Fille : Mais alors pourquoi Yits’haq va-t-il donner naissance à quelqu’un comme Esaw ?

Le Père: Le Kli Yakar explique que les médisants disaient que c’est Avimele’h le père de Yits’haq. Et quand on voit Esaw, qui est tellement tordu, on serait tenté de penser, que son père Yits’haq était lui-même problématique. C’était peut être le fils de Avimele’h. La Torah nous dit non ! Yits'haq, c’est le fils d’Avraham. Et le verset d’après nous dit : “Yits’haq avait 40 ans lorsqu’il prit Rivka la fille de Béthouel, l’Araméen de Padane Aram, la soeur de Lavane, pour être sa femme” (Berechit 25, 20).
La Torah nous dit que si Esaw a des prédispositions problématiques, c’est parce que c’est le fils de Rivka qui vient d’une famille de roublards.

La fille : Trop facile, si Esaw est tordu, ce n’est pas sa faute, c’est la faute des parents !

Le père : Ok, tout le monde a des prédispositions, mais notre travail c’est d’atteindre le juste milieu. C’est possible, grâce à de la volonté et des efforts, on peut faire mieux que sa nature, on peut se rapprocher du D. UN.

 

Chabbat Chalom,
Stéphane Haim COHEN

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