Emor 5783

" Vous compterez pour vous à partir du chabbat [lendemain du jour de repos =premier jour de Pessa’h]…sept semaines complètes."
(VAYIQRA 23,15).


La paracha commence par des lois propres au cohanim. Emor, c'est aussi la présentation des fêtes.

A l’intérieur du thème des fêtes, la Torah demande de compter le Omer : depuis le lendemain de Pessa’h jusqu’à Chavouot (il y a 49 jours à compter), " Vous compterez pour vous à partir du lendemain du jour de repos …" (VAYIQRA 23,15). Comme en ce moment, nous comptons le Omer,  au bout duquel nous fêterons Chavouot.

Techniquement, nous comptons chaque soir les jours du omer, et leur équivalent en semaine. Exemple : le 29è jour, c’est 4 semaines et un jour.

Précisons que la mitswa de compter le omer de nos jours est d’ordre rabinique d’après la plupart des décisionnaires.

Avant de compter, il y a une bénédiction. Avant cette bénédiction, il est de coutume de réciter une introduction du type LECHEM YIHOUD.

Récemment, nous avons réfléchi. Pourquoi faire précéder le compte du omer par un Lechem Yihoud ?

J’ai eu la chance de rencontrer récemment un rav que je fréquentais assidûment jusqu’à il y a 20 ans. Je lui ai posé la question.

Voici, ce qu’il en ressort.

1/ La mitswa est très courte : une bénédiction, un compte, cela peut être fini en 30 secondes. Alors peut être, pour donner plus de poids à la mitswa, la plupart des communautés juives ont pris sur elles d’introduire la mitswa par un LECHEM YIHOUD ou un Hineni Mou’han ou Mezoumane.

2/ Le Rav m’a cité le Noda Biyehuda

[wikipedia : Ezekiel ben Judah Landau ou Ézéchiel Landau né à Opatów le 8 octobre 1713 et mort à Prague le 29 avril 1793, est un grand rabbin de Prague, l'un des plus grands décisionnaires et commentateurs du Talmud. Adversaire du mouvement hassidique, il s'oppose également au mouvement des Lumières qui se développe en Europe à la suite de Moses Mendelssohn.

Il est célèbre pour ses responsa dans le domaine de la législation juive intitulés Noda BiYehudah (נודע ביהודה) et ses commentaires sur le Talmud : Tsioun leNéfech Haya.]

A propos du Lechem Yihoud, le Noda BiYehudah s’élève fermement contre ceux qui lisent cette prière introductive sans la comprendre. Or, le Lechem Yihoud fait référence à des concepts difficilement compréhensibles. Le Noda BiYehudah n’accepte pas que l’on dise un LECHEM YIHOUD sans le comprendre.

Ce que je dis à présent n’engage que moi, j’espère que je ne me trompe pas, et bien évidemment, il ne faut pas déduire de Hala’ha à appliquer à partir de mes propos.


Pourquoi le Noda BiYehudah s’insurge contre le fait de dire une prière introductive que l’on ne comprend pas ?
Parce que l’essence de cette prière est de donner un sens à l’action que je vais accomplir. En clair, je dois prendre conscience que je suis prêt à compter les jours, selon la mitswa.

Et si je ne comprends pas ce que je dis, je ne peux pas donner de sens à mes actes, et donc cela ne sert à rien de prononcer le LECHEM YIHOUD.

Il y a 2 types de sens à donner à la mitswa de compter :

  • Il y a un sens mystique : en comptant je répare, je parfais des mondes supérieurs.
  • Il y a un sens simple : en comptant, je fais la mitswa de compter.

Il est essentiel de donner un sens à mon acte (compter), et pour le Noda BiYehudah, si je veux vraiment donner un sens, alors je dois le comprendre. Il faut donc au minimum penser que je vais accomplir une mitswa. Et logiquement, si je veux dire que je fais cette mitswa pour les mondes supérieurs, alors je dois comprendre ce que représentent ces mondes supérieurs.

Pour les autres mitswot aussi, certaines communautés ont l’habitude de réciter un LECHEM YIHOUD introductif. Pourtant, c’est seulement pour la mitswa du Omer que la prière introductive s’est imposée dans la plupart du peuple d’Israel. Pourquoi ?

La mitswa de compter le temps qui passe est particulière. Et les ‘Ha’hamim nous ont demandé de prendre conscience du temps qui passe. Comment prendre conscience du temps ? il faut lui donner du sens, et surtout ne pas agir comme une machine !

Donner du sens à nos actions, nous permet de nous accomplir. Inversement, ne pas donner de sens mène à l’angoisse.

Exemple 1 : J’ai besoin de perdre du poids, je suis un régime. Si à chaque fois que je mange sainement, ou que j’ai faim, j’ai conscience que je suis en train de parfaire ma santé, alors je vivrai bien mon régime, …. sinon c’est la névrose.

Exemple 2 : si je reçois un affront, et que je me maîtrise, je parviens à comprendre que je suis en train de muscler ma personnalité, alors, à la limite cet affront me rend joyeux. Je lui ai donné un sens : c’est une opportunité de grandir. En revanche, si je reçois l’affront et que je décide de fonctionner en mode automatique, je vais réagir, entretenir la violence verbale … et au bout du compte je ne serai pas fier de moi !

Nos maîtres nous ont donc demandé de donner du sens à nos actions, de prendre conscience de nos actions. En particulier, si je décide de donner du sens à mon temps, je pourrai devenir maître de mon temps. C’est le secret du bonheur. C’est la clé pour devenir un bon juif épanoui.

Chabbat Chalom


Stéphane Haim COHEN

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