“Pharaon dit à ses serviteurs, est-ce que l’on pourrait trouver un homme tel que celui-ci (Yossef) qui à le souffle de D. en lui ? “
(BERECHIT 41,38)
La paracha de la semaine nous raconte l'ascension surnaturelle de Yossef dans la société égyptienne. Il était dans une obscure prison à la fin de la paracha Vayechev (Chabbat dernier), et voici qu'il va devenir vice-roi d'Egypte.
Cette promotion sociale vient du fait que Yossef saura expliquer le rêve de Pharaon. En prison, déjà il avait expliqué le rêve du préposé au vin (Sar Hamachqim) de Pharaon.
A cause de la famine, les frères de Yossef vont venir acheter de la nourriture, en Egypte. C’est Yossef qui va les accueillir … froidement. Yossef les reconnaît, mais eux pensent que Yossef n’est plus. Ils n’imaginent pas qu’ils font face à leur frère.
Le verset en entête parle du choix de Yossef comme vice-roi d’Egypte.
Pharaon a bien compris que Yossef est l’homme de la situation. Il a su interpréter les rêves et a immédiatement proposé une stratégie pour anticiper la famine qui sévira en Egypte.
Mais, pourquoi Pharaon a-t-il besoin de demander à ses serviteurs l’autorisation de nommer Yossef (verset en entête). En effet, Pharaon doit se justifier, et il doit faire comprendre à ses serviteurs, qu’on ne peut pas trouver chez les Egyptiens un tel homme ?
“Pharaon dit à ses serviteurs, est-ce que l’on pourrait trouver un homme tel que celui-ci (Yossef) qui à le souffle de D. en lui ? “
(BERECHIT 41,38)
On peut très bien penser que Pharaon est habile politiquement, et qu’il veut éviter les jalousies envers Yossef. Avant de recruter quelqu’un de l’extérieur, il convient d’expliquer à ses conseillers actuels qu’il n’a pas trouvé d’équivalent en Egypte.
Le Ramban va plus loin. Sur le verset en entête, il nous dit que les Hébreux étaient détestés des Egyptiens. Un Egyptien ne pouvait pas manger ce qui avait été touché par un Hébreu. Les Égyptiens considéraient les Hébreux comme impurs, une source de souillure. C’était donc un sacrilège de nommer Yossef à un tel poste. Pharaon se doit donc de demander l’avis de ses serviteurs.
C’est seulement après que les serviteurs de Pharaon aient accepté, que Yossef est nommé vice-roi d’Egypte.
Le Ramban semble donc bien connaître les rouages de la classe dirigeante en Egypte. Cela rappelle la condition du Dhimmi dans le monde musulman. Un proche m’a prêté un livre, paru en 1980, référence à ce sujet “Le Dhimmi”. L’auteur est Bat Yeor, la préface de Jacques Ellul.
Le Dhimmi est donc un citoyen de seconde zone, qui est toléré, et qui doit payer des taxes pour avoir le droit de vivre dans de piètres conditions. L’auteur nous dit que l'exclusion du Dhimmi de la fonction publique se fonde sur de très nombreux versets coraniques (Coran III, 27, 113 ; V,56) et des Hadith. Un infidèle ne peut exercer une autorité sur un musulman.
L’auteur nous dit qu’au Moyen Age la nomination de Dhimmi à des hautes fonctions administratives provoquait souvent des émeutes : Grenade 1066, Fez 1275 et 1465, Egypte sous les Mamlouks (1250-1517).
On dit souvent que le juif était heureux en terre d’Islam, grâce à son statut de protégé, Dhimmi. Mais si on a besoin de le protéger, c’est que naturellement on veut s’en prendre à lui.
Pharaon a eu la même appréhension pour Yossef, il savait que la population a une haine profonde envers l’étranger, envers l’Hébreu, il doit donc prendre des pincettes pour nommer cet hébreu qui souille ce qu’il touche.
Maintenant, je comprends mieux ce qui se passera quelques générations plus tard. L’Egypte “oubliera” d’être reconnaissante envers Yossef, et ses descendants. Les Egyptiens vont asservir les bné Israel. Mais comment est-ce possible, les Egyptiens doivent leur existence et leur prospérité à Yossef !
En fait, la haine de l’autre était ancrée en Egypte. Nommer un hébreu à de hautes fonctions va à l’encontre de la tradition historique Egyptienne. “Chasser le naturel, il revient au galop !”. Il ne faut pas être naïf, l’histoire d’Egypte n’a pas commencé avec Yossef ! .
Chabbat Chalom
Stéphane Haim COHEN
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