«Yits’haq aimait Esaw car il chassait avec sa bouche, et Rivka aimait Yaaqov» Berechit (25,28)
La paracha Toledot nous raconte une partie de la vie de Isaac et de sa femme Rivka. Au début de la paracha, Rivka met au monde des jumeaux : Esaw et Yaaqov. Ces derniers sont complètement différents : Esaw est un chasseur, un guerrier ; Yaaqov est un homme de Torah.
Dans cette paracha, Yaaqov achète le droit d’aînesse qu’Esaw dédaigne et méprise. A la fin de Toledot, grâce à la clairvoyance de Rivka, Yaaqov obtient toutes les bénédictions de son père Yts’haq, la bénédiction sur l’aspect matériel, puis celle du spirituel.
Le Rav Dessler, dans Mi’htav MeEliahou, Tome B, page 206, s’intéresse à la bénédiction de Yits’haq.
Rappelons que Yaaqov, sur les conseils de sa mère, va se déguiser en Esaw, pour recevoir la bénédiction de son père.
Le Rav Dessler pose plusieurs questions. Comment fonctionne le principe de la bénédiction ? Comment la bénédiction peut-elle être effective si celui qui bénit se trompe de personne ? La bénédiction est forcément destinée à celui à qui pense l’auteur de la bénédiction !
Comment Yits’haq peut-il aimer Esaw (verset en entête) ? Ne sait-il pas qu’Esaw est un mauvais ?
Remarque : je ne reprends pas ici l’intégralité des questions et des réponses du Rav Dessler. Je vous invite à vous plonger dans le texte complet… cela vaut le détour.
Le Rav Dessler explique que la bénédiction est un type de prière. Celui qui bénit sait très bien que c’est D. qui va envoyer la bénédiction. Et c’est pourquoi celui qui bénit va se rapprocher de D., va annuler son moi, devant D.
Et c’est grâce à celui qui est béni que celui qui bénit va pouvoir ainsi se rapprocher de D. Paradoxalement, celui qui est béni est au service de celui bénit et l’aide à se rapprocher de D.
Il existe deux façons pour que le bien et les bonnes choses soient déversées en ce monde.
On les envoie au Juste intègre, celui qui agit depuis son for intérieur en l’honneur de D.
Le Ciel lui apporte les moyens pour se développer encore plus, et accomplir plus de mitswot. Il entre dans le cercle vertueux. Accomplir une mitswa l’aide à commencer la mitswa suivante.
Il y a aussi les bontés qui sont accordées à ceux qui accomplissent des mitswot qui sont en fait extérieures. Ces mitswot ne viennent pas de l’intériorité de la personne, ce sont des mitswot pour l’apparence. Malgré tout, ces mitswot sont récompensées.
Les bienfaits qui arrivent pourront peut-être permettre à celui qui les reçoit de s’en servir comme outil pour grandir, et faire techouva, servir D. depuis son for intérieur.
Toutefois, ces bienfaits peuvent aussi être utilisés du mauvais côté, car la personne qui les reçoit est superficielle. Dans ce cas, ces bienfaits serviront à payer le crédit de l’auteur de la mitswa, ainsi, il ne lui restera que des débits pour le monde futur.
Yits’haq représente la rigueur, la justice. De ce point de vue, le Ciel ne doit pas aider le juste (intègre) à être encore plus juste et à faire plus de mitswot. Le Ciel n’a pas à intervenir pour donner de meilleures conditions au juste ! Ce n’est pas juste ! Le juste doit grandir par ses efforts. Le juste doit devenir plus blanc uniquement par ses efforts.
Yits’haq ne veut donc pas bénir Yaaqov, car il considère Yaaqov comme un Juste, intègre, qui ne doit pas recevoir de coup de pouce divin.
En revanche, il sait que son fils Esaw est superficiel. Il décide donc de l’aider et de le bénir. Il pense que les biens matériels qu’il recevra lui serviront peut-être à revenir dans le droit chemin. C’est un pari. Yits’haq donne donc plus à Esaw. Et c’est la raison pour laquelle Yist’haq aime Esaw. Yits’haq donne beaucoup à son fils. Et quand on donne, alors l’amour grandit.
Lorsque Yaaqov déguisé se présente devant Yits’haq, le doute s’empare de lui. “La voix est la voix de Yaaqov et les mains sont les mains de Esaw”. Il se dit qu’il y a peut-être de l’intériorité chez Esaw. Et, il y a aussi de la superficialité chez Yaaqov (déguisé).
Yits’haq comprend qu’il s’est trompé et il décide donc de bénir Yaaqov, même avec la bénédiction matérielle.
Chabbat Chalom
Stéphane Haim COHEN
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