« Elle [Sarah] a dit à Avraham : Renvoie cette servante et son fils …»
(Berechit 21,10)
VAYERA est La Paracha qui nous raconte plusieurs moments clés de la vie d’Avraham :
• La visite des anges qui viennent annoncer que Sarah aura un fils
• La négociation avec D. pour sauver les villes de Sodome et Gomorrhe
• Le sauvetage de Loth et la destruction de Sodome et Gomorrhe
• La rencontre avec Avimele’h
• Sarah qui enfante Yts’haq, la brith mila de Yts’haq
• Avraham qui doit renvoyer Ychmael
• L’ultime épreuve : la ligature de Yts’haq.
La 3è michna du 5è chapitre du traité Avot (Maximes des Pères) nous dit qu’Avraham a été éprouvé à 10 reprises. Le Rambam propose une liste des 10 épreuves.
Nous disons traditionnellement que les pères sont des symboles pour les enfants. Avraham qui vit des épreuves doit donc nous servir d’exemple pour nos vies.
La première épreuve, on l’a lue la semaine dernière, c’est “Pars pour toi”, Quitte ton pays pour aller où Je te montrerai.
D. a demandé à Avraham de quitter son pays. Le Rambam explique que c’est une épreuve. Mais, personnellement, si M. X reçoit un ordre divin de quitter la France (par exemple), M. X sera tellement content que D. s’adresse à lui, qu’il sera heureux de le faire ! Il le fera sans réfléchir ! Ce n’est donc pas une épreuve!
Alors pourquoi, pour Avraham, cela a été une épreuve ? Tout simplement parce que l’ordre divin n’est pas clair. Avraham pense avoir compris l’ordre divin. Mais il n’en est pas sûr à 100%. D. s’est révélé à Avraham dans une vision. Mais Avraham se demande s’il interprète bien le message. Avraham doute ! Et en ce sens c’est une épreuve. Il va se poser des questions : a-t-il bien compris la volonté de D. ?
Il est clair que dans chaque épreuve que vivra Avraham, cette dimension de doute ne devra pas être négligée.
Dans la dernière épreuve, la ligature d’Yts’haq, le midrach raconte qu’Avraham a dû traverser un fleuve et que l’eau est montée jusqu’à son cou : c’est peut-être le symbole du doute qui envahit Avraham. A-t-il bien compris l’ordre divin ? Décidera-t-il d’aller jusqu’au bout ?
Contrairement à Moshé qui a perçu le message divin sans filtres, il est probable que tous les prophètes ont eu le même genre d’interrogations. Ils ont rêvé, D. leur est apparu. Mais comment être sûr à 100% que le message est divin ? Et même si le message est divin comment être sûr de l'interprétation ?
Un homme qui veut ressembler à Avraham est donc un homme qui traverse la vie en posant des questions. Ai-je bien compris ce que l’on attend de moi ? C’est une des plus grandes épreuves de la vie !
Le renvoi d’Agar est compté par le Rambam parmi les 10 épreuves.
Dans le verset en entête Sarah demande à Avraham de renvoyer Agar la servante et son fils. Sarah a vu que Ychmael est dangereux pour Yst’haq car il “Metsa’heq” (sourit, traduction de Onkelos, ou moqueur). Rashi explique Metsa’heq de 3 façons :
- il se livre à l’idolâtrie
- il a des moeurs interdites
- il veut tuer Yts’haq
Sarah demande donc à Avraham de renvoyer la mère et le fils.
Mais pour Avraham c’est un dilemme. Agar était une princesse en Egypte et a tout quitté pour embrasser la foi d’Avraham. Avraham a tout fait pour ramener les gens de sa génération au monothéisme. Avraham est l’archétype de l’hospitalité. Et là, il doit renvoyer celle qui a tout quitté pour avoir le titre de servante d’Avraham ?
Avraham veut ramener l’humanité au monothéisme, Avraham accueille tous les étrangers, et son propre fils Ychmael, il doit le jeter ? Ne peut-il pas contribuer à son éducation ? Même si Yichmael est tordu, Avraham ne peut-il pas essayer de le corriger ?
C’est cela une épreuve ! Avraham doit se mettre à penser contre nature ! Auparavant, il a des idées humanistes, il ne cesse de proférer des messages d’amour, et maintenant il doit être dur ! Extrêmement dur ! Il doit penser contre-nature.
En plus c’est sa femme Sarah qui lui demande de renvoyer Agar et Ychmael. Sarah voit en Ychmael un concurrent dangereux qui s’oppose à son fils Yst’haq. Agar est la concurrente directe de Sarah.
Avraham a donc le droit légitime de se demander : qui me dit que Sarah mon épouse est objective ? Est-ce vraiment la volonté de D. de renvoyer Agar et Ychmael ? Et les doutes sont d’autant plus grands qu’Avraham n’est pas construit pour faire ce qui est juste, Avraham c’est la bonté ! Justice et bonté ne font pas forcément bon ménage.
Et bien, malgré tout ce qui le pousse à refuser le renvoi de la servante et de son fils, Avraham va écouter Sarah !
Et cela ne lui suffit pas de se conformer à la demande de Sarah, il va le faire avec entrain :
La Torah nous dit : “Avraham s’est levé tôt le matin, … il l’a renvoyée”. Comme pour la dernière épreuve, la ligature d’Yts’haq, Avraham se lève tôt.
Réussir l’épreuve c’est :
- comprendre ce que l’on attend de moi, même si c’est contre ma nature
- agir et mettre en pratique
C’est très facile de penser toujours de la même façon, d’aller toujours plus dans le sens du poil avec soi-même. Mais ce n’est pas cela réussir l’épreuve de sa vie.
Réussir l’épreuve de la vie c’est savoir se remettre en question profondément, et se dire : peut-être que je me trompe ?
Avraham a renvoyé Agar et Ychmael pour sauver Yts’haq !
Aujourd’hui nous sommes en guerre ! On entend de partout, attention il ne faut pas tuer les innocents !
C’est vrai ! Qui n’a pas de peine quand on entend que des gens qui sont peut-être des justes, ou des enfants innocents sont les victimes collatérales ? Avraham a bien négocié avec D. pour épargner Sodome et Gomorrhe !
Mais sous prétexte que je ne dois pas faire de victimes collatérales, est-il juste de laisser en liberté des assassins qui ne demandent qu’à recommencer leurs atrocités ?
Dois-je accepter de sacrifier des soldats qui se battent pour protéger des civils, pour épargner des victimes collatérales ? Est-il juste de limiter des bombardements pour protéger les proches des assassins et mettre en danger des soldats ? Tout celui qui tranche bêtement sans réfléchir au sujet a tort ! D. nous a donné un cerveau ! J’ai le droit de ne pas être d’accord avec l’autre, uniquement si j’ai réfléchi à ses arguments !
C’est une épreuve que nous vivons actuellement. Ce n’est pas simple… mais il est clair que l’épreuve fait grandir. A nous d’être suffisamment intelligents pour décider de grandir et de ne plus retomber dans nos travers après la guerre.
Nous sommes dans un bâteau, et la tempête est là. Heureusement qu’il y a un capitaine. Alors quand il faut gérer la tempête, on ne peut pas se permettre de critiquer le capitaine. Il faut quelqu’un qui décide. Ne pas décider, c’est pire que de prendre une mauvaise décision. Prions pour que nos dirigeants prennent les bonnes décisions. Que D. ouvre les yeux de nos dirigeants ! Que D. protège les soldats ! Les otages ! Le peuple ! Que tout le monde rentre chez lui très vite et en bonne santé ! Prions pour des bonnes nouvelles ! Très bientôt ! Pour toute l’humanité !
Chabbat Chalom,
Stéphane Haim COHEN
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