Vayichla'h 5782 - Les pères plus que des exemples

« Yaaqov arriva entier/en paix à la ville de Che’hem...»
(Berechit 33,18)


Les actions des pères sont des directions pour les enfants. La vie des pères fondateurs du peuple juif est non seulement un exemple pour les descendants, pour nous, mais c’est aussi un patrimoine transmis qui donne au peuple sa nature, ses attributs. De la même façon que le noyau du fruit contient en lui les attributs de ce qui donnera un nouvel arbre, les pères fondateurs, Avraham, Yits’haq et Yaaqov ont les attributs de ce qui sera indispensable au peuple auquel ils donnent naissance.


Au début de la Paracha Vayichla’h, Yaaqov se prépare à retrouver son frère Esaw. Rappelons la façon dont ils s’étaient séparés dans la paracha Toledot : Esaw voulait tuer son frère Yaaqov suite à l’épisode de la bénédiction d’Isaac.
Yaaqov se prépare triplement à cette rencontre périlleuse :
    • Il se prépare à l’affrontement armé, en séparant sa famille en 2 camps. Si l’un des deux devaient être frappés, l’autre serait sauvé.
    • Il prie D. de l’aider en disant, en autre, « Sauve-moi de la main de mon frère de la main d’Esaw ».
    • Il prépare des cadeaux pour amadouer son frère (il veut négocier !).

Après les retrouvailles qui se passent bien, chacun reprend son chemin. La Torah nous apprend que Yaaqov arrive à la ville de Che’hem, en terre de Canaan, en étant “Chalem” = entier, complet (verset en entête).

Rashi nous précise que Yaaqov arrive entier dans son corps, car il est guéri, dans son argent, dans sa Torah. Onkelos traduit en araméen, Yaaqov est arrivé “Chelim” = entier, complet.

Au début de la paracha Toledot (il y a 2 semaines), nous avons fait connaissance avec Yaaqov. Dès que la Torah décrit les 2 jumeaux Yaaqov et Esaw, elle qualifie Yaaqov “d’homme intègre /entier [tam], qui fréquente la maison d’étude” (Berechit 25,27). Onkelos avait traduit de la même façon “Chelim”.

En fait, on comprend donc que Yaaqov est entier au début de sa vie, mais il l’est encore après l’exil chez Lavan, et la rencontre avec Esaw.

Au début de sa vie Yaaqov est entier car il fréquente la maison d’étude. C’est par là que le chemin commence. C’est la base de la pyramide. C’est la direction pour ses descendants, tout commence par la Torah.

Mais cet exemple est insuffisant pour le peuple qui va naître, et qui devra diffuser le message du D. Un jusqu’à la venue du Machia’h. Et pour transmettre le message, il faut d’abord être en vie. Yaaqov va devoir apprendre à survivre, à s’adapter. Il va grandir. En fuyant la maison de son père, il fera un stage à la Yechiva de Chem et Ever pendant 14 ans. Il apprendra à être en contact avec des gens qui ne pensent pas forcément comme lui.
Ensuite, il vivra en milieu hostile, chez Lavan le roublard, l’idolâtre. Il continue sa formation. Il vit l’exil que ses descendants connaîtront. Il se forme, il grandit. Il restera entier même chez les idolâtres et les roublards. Il ne peut plus être naïf, il doit faire face à la réalité : on veut le spolier, on veut l’empêcher de grandir, on veut l’anéantir.

Après le départ de chez Lavan, c’est la rencontre avec Esaw. Yaaqov craint évidemment pour la vie de ses proches et pour la sienne, il se prépare donc. La prière, les cadeaux, la lutte, Yaaqov se prépare à rencontrer Esaw. Là encore, il a montré le chemin à ses descendants. Comment est-il possible que le peuple juif ait survécu aux persécutions, à l’exil, à l’assimilation ?
La réponse est évidente. Yaaqov est un homme complet et il a montré le chemin.
D’abord l’étude, mais ensuite, la nécessité de s’adapter.

A l’instar de Yaaqov face à Esaw,
Combien de générations ont imploré le Ciel pour obtenir le salut ? Combien de générations ont soudoyé leurs bourreaux potentiels pour tenter de surseoir à des décrets d’expulsion, d’extermination, de conversions forcées ? Combien de générations se sont préparées à lutter pour leur survie?

Tout celà, nous le devons à Yaaqov ! Après la rencontre avec Esaw, la Torah nous dit que c’est un homme complet. Il excelle sur tous les tableaux. Lui, l'homme de la vérité, il sait s’adapter.

C’est grâce aux facultés de nos ancêtres que le miracle de notre existence est une réalité.

Yaaqov nous a aussi appris que lutter, faire la guerre, c’est parfois synonyme de faire le dos rond. Lorsque nous expliquons que Yaaqov s’est préparé à la guerre, cela signifie qu’il a séparé son camp en deux. Au moins il en sauvera une partie. Yaaqov sait que le rapport n’est pas en sa faveur, lutter, c’est aussi fuir.

Mais cela ne sera pas toujours le cas. En défilant devant Esaw, Yossef passe devant Ra’hel. A la fin de la paracha, on présente les descendants de Esaw, et juste après (le début de la paracha Vayechev), on présente Yossef, le descendant de Yaaqov qui sera en mesure de faire disparaître Esaw et tout ce qu’il représente.
A la fin des temps, Esaw sera comparé à la paille et Yossef sera l’étincelle. Viendra le temps où les conditions seront réunies pour combattre les valeurs de Esaw. Et ce sera facile ! Esaw sera de la paille, et sans efforts, une petite étincelle l’éteindra !


Stéphane Haim COHEN