"[Moshé dit aux Bné Israel] Ecoutez donc, rebelles ! Est-ce que de ce rocher nous ferons sortir pour vous de l’eau ? Moshé éleva sa main et frappa le rocher avec son bâton deux fois. Des eaux abondantes sortirent…D. dit à Moshé et à Aaron, parce que vous n’avez pas cru en Moi pour Me sanctifier aux yeux des bné Israel… vous n’amènerez pas cette communauté vers le pays…"
(BAMIDBAR 20,10-12)
‘Houqat nous présente la vache rousse. Le principe est clairement énoncé. Si quelqu’un s’est impurifié au contact d’un mort, il devra se purifier le troisième et le septième jour (après le contact avec le mort).
Mais cette paracha contient aussi l’épisode « des eaux de la querelle ». En effet, les Bné Israel se plaignent de ne plus avoir d’eau, car le puits de Myriam a disparu avec sa mort. D. demande donc à Moshé de prendre son bâton et de parler au rocher. Or Moshé prend son bâton et frappe le rocher à 2 reprises pour que l’eau sorte.
Moshé sera puni et n’entrera pas en Israel. Il fallait parler au rocher, et non pas le frapper.
Le Rav Sacks zal, l’ancien Grand Rabbin du Royaume Uni s’attarde sur ce passage. Il s’étonne de l’apparente disproportion entre la faute de Moshé et sa punition.
Je présente ici quelques idées du Rav Sacks sur la paracha. C’est tiré de son livre Sig Ve Sia’h, Paracha ‘Houqat. Le Livre Sig Ve Sia’h est la version en hébreu de Covenant & Conversation. Une version française est sortie : “Les voix de l’Alliance”.
En voulant trouver des idées pour réaliser ce commentaire, j’ai choisi un passage de Sig Ve Sia’h sur notre paracha dont le titre est “la gestion de la colère”. Or, me mettant devant mon clavier, je retrouve le commentaire rédigé il y a 3 ans à partir de la même source. Conséquence, je ne me mets pas en colère, mais je décide de reformuler un petit peu ce commentaire envoyé pour ‘Houqat 5781.
Admettons le, Moshé n’a peut être pas eu le comportement optimal. Il n’aurait dû s’adresser au peuple en disant “écoutez rebelles!”. Il n’aurait pas dû frapper le rocher. Mais pour autant, comment comprendre la terrible punition ? Comment le priver de l’entrée en Israël ? Moshé n’est-il pas malgré tout le dirigeant exceptionnel qui a guidé le peuple depuis l’Egypte ? Un petit moment d’égarement vaut-il une telle punition ?
Le Rav Sacks rapporte à propos de cet épisode, l’explication du Rambam dans les 8 chapitres (introduction aux Maximes des Pères du Rambam).
Les traits de caractères, on ne les choisit pas. L’homme a des tendances naturelles. Certains sont optimistes, d’autres pessimistes, certains sont patients, d’autres pas. Certains sont pingres, d’autres dépensiers outre-mesure.
A force de volonté, à force d’effort, l’homme parvient à canaliser ses tendances naturelles. Il doit viser, et il peut l’atteindre, le juste milieu, l’équilibre.
Toutefois, le Rambam explique qu’il y a 2 traits de caractères, pour lesquels le juste milieu peut être dangereux. Pour l'orgueil, et pour la colère, il ne faut pas viser le juste milieu, il faut s’en éloigner à 180°.
Le Rambam explique que Moshé a été puni parce qu’il s’est mis en colère, en s’adressant au peuple “écoutez rebelles!”.
Lorsqu’il a brisé les Tables de la Loi, Moshé aussi s’était énervé, mais cela n’a pas été considéré comme une faute. Cette attitude était consécutive à la faute du Veau d’Or. Cette colère est donc éducative.
En revanche, dans notre paracha, le peuple a soif, le puits de Myriam a disparu. D. ne reproche rien au peuple; contrairement à l’épisode du veau d’or. Et malgré tout, Moshé sort de ses gonds, il fait une erreur, il s’énerve.
Tout le monde peut s’énerver. Mais Moshé est le dirigeant, c’est l’exemple. Et il doit montrer l’exemple. A ce moment, le peuple pourrait même comprendre, à tort, que la colère de Moshé représente la colère de D. sur le peuple. Le peuple pourrait même sombrer dans le désespoir en pensant que D. se met en colère contre le peuple. Cette colère de Moshé n’est pas éducative, elle est contre-productive, puisque le peuple ne la comprend pas.
La colère, on doit la fuir à l’extrême. Moshé doit montrer l’exemple et doit se maîtriser. A défaut de montrer l’exemple lors de ce passage, c’est sa punition qui servira d’exemple. La Torah stigmatise la colère.
L’auteur du Or’hot Tsadiqim (15è siècle) explique que la colère isole le coléreux. La société va couper les ponts avec lui, car les gens ont peur de sa colère. Le colérique va donc s’isoler, et son mal va donc forcément empirer.
C’est trop grave. Nos maîtres nous disent :
- le colérique a une vie qui n’en est pas une
- tout celui qui s’énerve, s’il est sage, il perd sa sagesse, s’il est prophète, il perd sa capacité à prophétiser
- celui qui s’énerve, c’est comme s’il faisait de l’idolâtrie.
La colère fait disparaître le self-control. La colère fait fonctionner le cerveau de l’homme en mode primitif. L’homme n’agit plus rationnellement, il fonctionne à l’instinct lorsqu’il est en colère.
- 5 minutes de colère peuvent se regretter pendant toute une vie. Des enfants ont blessé leurs parents pendant des années pour quelques mots non maîtrisés.
- Des familles ont été détruites pour quelques secondes de colère.
- Des hommes sont devenus meurtriers pour un coup de sang.
- 5 minutes de non maîtrise de soi, et ce sont des vies entières gâchées. Des couples se cassent pour quelques minutes d'égarement.
Si la peine de Moshé semble disproportionnée,